Les entreprises françaises ont commencé à mettre en œuvre des mesures pour lutter contre leurs impacts en termes de réchauffement climatique, mais ces dernières sont loin d’être suffisamment vigoureuses. Ces entreprises sont en retard sur le diagnostic et la mesure mais surtout sur la capacité à définir des plans d’actions pertinents et à les aligner avec les objectifs environnementaux sur lesquels la France s’est engagée. Ce retard persistant confirme le manque cruel de leadership sur l’enjeu climatique (et plus largement, environnemental) à la tête des entreprises françaises.
Dans la première partie de cet article, nous avons montré que les grandes entreprises internationales sont très en retard dans la prise en compte des enjeux climatiques et dans la transformation nécessaire pour limiter la hausse de la température du globe, comme les Etats s’y sont engagés lors de l’Accord de Paris et des COP qui ont suivi. Si cette première partie vous a échappée, nous vous suggérons de commencer par-là en cliquant ici. Dans cette seconde et dernière partie, nous effectuons un zoom pour analyser la situation des entreprises françaises vis-à-vis de ces enjeux.
On ne va pas bouder son plaisir : pour la première fois dans l’histoire des conférences sur le climat des Nations unies, le compromis approuvé le 13 décembre 2023 en clôture de la COP28 à Dubaï mentionne toutes les énergies fossiles, largement responsables du changement climatique. Alors que chaque mot a été pesé et âprement négocié, le texte appelle à « abandonner (‘transitioning away’, en anglais) les énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ». L’Union Européenne (UE) a réussi à poser des cibles à horizon 2030 : triplement des énergies renouvelables et doublement de l’efficience énergétique. « La direction est très claire », a déclaré Fatih Birol, le président de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie). « Je pense que l’accord de Dubaï donne un signal sans équivoque aux investisseurs : si vous continuez à investir dans les combustibles fossiles, vous prenez de sérieux risques en termes de business. C’est aussi un signal qui montre aux investisseurs que les énergies propres sont plus rentables que beaucoup l’imaginent », a-t-il ajouté[1].
Clairement, c’est une avancée qu’il faut maintenant cranter : un point pour les Etats négociateurs ; maintenant la balle est dans le camp des entreprises : c’est désormais à elles de transformer l’essai.
La France et ses partenaires européens se sont fixés un objectif très ambitieux : la neutralité carbone en 2050, avec une étape intermédiaire de baisse de 55% (d’où l’appellation « Fit for 55 ») d’émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Déjà en juin 2022, le Haut Conseil pour le climat (HCC)[2] pointait dans son rapport annuel un « risque majeur » de ne pas atteindre les objectifs climatiques pour 2030. Sur la dernière décennie 2010-2019, les émissions ont diminué de 1,9% par an en moyenne, conduisant à une baisse cumulée de 23,1% en 2021 par rapport à 1990, une trajectoire de réduction « modeste », et inférieure à la moyenne européenne, notait le HCC.
Dans son édition de juin 2023, le HCC estime que le rythme de réduction des émissions de la France doit presque doubler pour atteindre les objectifs européens Fit for 55 en 2030[3]. Le HCC considère que la bonne performance de 2022 ne doit pas masquer la réalité : « La baisse des émissions 2022 résulte en partie de facteurs conjoncturels (notamment un hiver doux réduisant les besoins en chauffage), mais aussi de mesures de sobriété en réponse à la hausse des prix de l’énergie et au plan de sobriété du Gouvernement ».
Certains espèrent que la technologie permettra de poursuivre une croissance élevée et ininterrompue tout en émettant moins de GES (gaz à effet de serre) : c’est ce qu’on appelle le découplage. Une étude publiée le 4 septembre dans la revue scientifique « Lancet Planetary Health », menée par des chercheurs du Sustainability Research Institute (Grande-Bretagne) et de l’Institute of Environmental Science and Technology (Espagne) nous apprend que la France fait partie des pays où un découplage absolu entre la croissance du PIB et les émissions de CO2 a été observé entre 2013 et 2019…mais qu’il lui faudrait 223 ans pour atteindre la neutralité carbone si elle continuait à ce rythme,… soit en 2246.
« Contexte », le média spécialisé dans les politiques publiques françaises et européennes, titrait dans un article du 20 novembre 2023 : « La France encore loin d’avoir trouvé le chemin de la neutralité carbone ». Selon un document interne de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) dévoilé par les journalistes de Contexte, la dégradation globale de l’environnement, et notamment « la chute du puits forestier » minent déjà les politiques de décarbonation de la France.
Peut-on alors se rassurer par le fait que la France est un pays qui émet peu de GES, grâce à son héritage gaulliste – les centrales nucléaires ? L’empreinte CO2 d’un Français dépasse de 48% l’empreinte CO2 moyenne mondiale. D’après Carbone4, cabinet d’expertise sur le climat, elle est cinq fois trop élevée puisqu’il faudrait pour respecter nos engagements issus de l’Accord de Paris, passer de 9,9 tonnes de CO2 équivalent en moyenne annuelle pour chaque Français à 2 tonnes…
Il faut donc accélérer considérablement les efforts et les entreprises françaises doivent assumer leur responsabilité dans cette ambition de tenir nos engagements. Où en sont-elles aujourd’hui ?
Les entreprises françaises : un manque criant de diagnostic
Au commencement était la mesure : avant même d’agir, il faut disposer d’un diagnostic pertinent. L’urgence de la situation climatique mondiale pourrait laisser croire que la mesure des émissions de CO2 arrive en tête des préoccupations stratégiques des entreprises. Ce n’est pas vraiment le cas. Le législateur ayant constaté les difficultés des entreprises à faire le pas vers cette mesure, il a inventé le bilan carbone. L’article 75 de la loi Grenelle II impose aux entreprises de plus de 500 salariés[4] et à toutes les collectivités territoriales de plus de 50.000 habitants de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre et d’y joindre une synthèse des actions envisagées pour réduire leurs émissions. L’association Bilan carbone (ABC) a été formée après que l’Ademe[5] a décidé, en octobre 2011, de lui céder sa méthode, le Bilan Carbone®, créée en 2003. Mais il existe d’autres méthodes de comptabilisation comme la GreenHouseGAs Protocol Initiative. Couramment appelée « GHG protocol » et développée en partenariat avec des entreprises, des ONG et des gouvernements, cette méthode est la plus reconnue sur le plan international. Dans tous les cas, le bilan GES permet d’identifier les postes générant le plus de CO2 en vue d’établir un plan d’action visant à limiter l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement. Une synthèse des actions que l’entreprise envisage de mettre en œuvre pour chaque catégorie d’émissions doit être jointe au bilan. Ces actions doivent porter sur les trois années suivant l’établissement du bilan, qui doit indiquer le volume global des réductions d’émissions de GES attendues.
Depuis le décret n° 2011-829 du 11 juillet 2011 relatif au bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) et au plan climat énergie territorial, à partir de 500 salariés (en métropole), le bilan carbone est obligatoire. Dans une première période, seules les émissions directes (scope 1), ainsi que les émissions indirectes associées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur (scope 2), étaient à prendre en compte. Les autres émissions (scope 3) n’étaient pas obligatoirement prises en compte, même si elles peuvent représenter 80 % des émissions[6], mais le sont devenues à compter de début janvier 2023.
Voilà qui est bel et bon. Le problème est que l’obligation légale semble globalement peu respectée. Selon les chiffres recueillis auprès des 21 Dreal (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) par l’ABC, « 45 % des entreprises et seulement un tiers des collectivités » concernées par l’article 75 de la loi Grenelle II « ont réalisé leur bilan gaz à effet de serre réglementaire », alertait l’association en février 2012. Près de 10 ans plus tard, la situation ne s’est pas améliorée : selon le rapport d’évaluation 2021 de la réglementation des bilans d’émissions de Gaz à Effet de Serre (« Bilan GES ») réalisé par l’ADEME, 65% des 4.970 entités concernées n’ont pas respecté leur obligation en 2021. Elles étaient 40% en 2013.
Cette insuffisance de mesure peut aussi être observée à l’international. Dans la troisième édition de son rapport sur le sujet, publié en novembre 2023, le cabinet BCG (Boston Consulting Group) dresse un constat préoccupant : seules 10 % des entreprises au niveau mondial sont capables de mesurer et de connaître de façon exhaustive leurs émissions de CO2[7]. Il s’agit d’une étude déclarative auprès de 1.850 responsables de la transition écologique dans leur entreprise (majoritairement des très grands groupes), répartis dans 18 secteurs et 23 pays. Plus préoccupant encore : ce chiffre n’évolue pas par rapport à l’année précédente.
Les entreprises françaises : un manque criant de passage à l’acte
L’étude du BCG citée ci-dessus aborde aussi la réduction des émissions. Elle n’est guère plus optimiste : en 2023, 14 % des entreprises déclarent avoir réduit leurs émissions sur les 5 dernières années, un chiffre en baisse par rapport à l’édition de l’année précédente où elles étaient 17 % dans ce cas. Certaines régions du monde font une percée dans le classement du BCG alors qu’elles étaient quasi-absentes jusque-là : c’est le cas de l’Afrique et du Moyen-Orient notamment. « L’Europe fait, elle, du surplace », comme le remarque Les Echos[8].
L’étude du MSCI Sustainability Institute publiée en novembre 2023 évoquée dans le cadre du G20 (voir : « Climat : les entreprises au seuil de leur transformation environnementale ») propose également une analyse par pays[9]. Son analyse des trajectoires de décarbonation des grandes entreprises lui permet de mettre en évidence une tendance pour la France similaire à celle observée pour le G20. Le taux de décarbonation des entreprises françaises cotées baissera à – 5,3 % par an au cours de cette décennie, après avoir été de – 7,2 % par an entre 2016 et 2021. Tandis que le taux national (celui du pays) devrait passer à – 5,6 % à l’horizon 2030, après n’avoir été que de – 1,9 % dans les cinq années suivant l’accord de Paris. En France comme ailleurs, la dynamique de décarbonation des entreprises ralentit et devient inférieure à celle du pays.
Les données du CDP (anciennement Carbon Disclosure Project) montrent que les entreprises françaises ne sont guère mieux positionnées que leurs homologues européennes. Le CDP est un organisme international à but non lucratif créé en 2000, qui fonctionne comme une plateforme en ligne permettant de rendre publiques les données environnementales des entreprises et des villes. Il agit pour plus de transparence des informations environnementales publiées par les acteurs économiques et administratifs. Il effectue une campagne annuelle à l’aide d’un questionnaire pour recueillir des informations sur les émissions de gaz à effet de serre des entreprises (depuis 2003), la gestion de l’eau (depuis 2010), l’impact sur les forêts (depuis 2013). Il est utilisé par 1 018 entreprises dans le monde dont 263 en France.
Dans son rapport « Missing the Mark », publié en septembre 2022, il montre que la proportion des CDP couvertes par des SBTs (science-based targets, c’est-à-dire selon des méthodes cohérentes avec la science du climat) est de 52% pour la France mais 58% pour l’Italie et 76% pour l’Allemagne[10]. La performance de la France se situe à peine au-dessus de la moyenne européenne (51%), même si elle reste largement supérieure à celle d’autres grands pays hors de l’Union Européenne (23% pour la Grande-Bretagne, 24% pour les Etats-Unis, 19% pour Japon).
Une autre approche très intéressante est celle menée par Axylia, un cabinet de conseils spécialisé en finance responsable. Ses experts ont créé l’indice Vérité40, qui se veut le pendant ou le challenger du CAC40, pour répondre à une question simple : combien d’entreprises du SBF 120 (c’est-à-dire les 120 plus grandes entreprises cotées en France) sont en mesure de payer leur facture carbone ? La question est légitime puisque les émissions de GES représentent une externalité négative qui, si elle était réintégrée (par des dispositifs comme la taxe carbone), pèserait sur la profitabilité. « Nous avons établi notre propre indice afin d’orienter les investisseurs et les particuliers vers des entreprises dont la création de valeur financière couvre les dommages du CO2 sur l’environnement », indique Vincent Auriac, président d’Axylia. La méthodologie consiste à calculer la facture carbone des entreprises en fonction de leurs émissions sur les trois scopes, valorisées au prix de la tonne carbone défini par le Giec (127 euros) et à la comparer avec l’Ebitda de l’entreprise.
Au total, sur les 120 entreprises du SBF 120, à peine un tiers (40 entreprises) sont en mesure de payer leur facture carbone. Par ailleurs, l’analyse des 40 plus grandes capitalisations boursières françaises, le fameux CAC 40, montre que ces dernières obtiennent un score carbone de D (risque élevé) et que « la majorité n’est pas en capacité de payer leur facture carbone », précise Axylia.
Les entreprises françaises, les petites et moyennes notamment, pâtissent de leur relative méconnaissance des ODD, qui ont prouvé ailleurs leur efficacité comme levier d’action, notamment dans le domaine du climat. Ainsi, un rapport du Sénat souligne : « Les ODD ne sont pas encore connus de l’ensemble des quatre millions de PME françaises ». Si environ 50 % des PME interrogées font des ODD un sujet phare de leur politique RSE ou de leur stratégie d’entreprise, « elles manquent de moyens pour se mobiliser de façon pertinente et efficace au travers d’outils spécifiques ». Peu de PME ont actuellement mis en place des démarches pour l’atteinte des ODD ou fait évoluer leur modèle. « Ainsi, la majorité des entreprises qui se mobilisent sur les ODD le font via leur politique RSE déjà existante »[11].
On a vu plus haut l’intérêt de l’approche proposée par l’initiative Science Based Targets (SBTi), cadre de référence en matière climatique au niveau mondial, soutenu par les Nations Unies. Les grandes entreprises françaises se sont fortement investies dans cette initiative, comme en témoignent les statistiques ci-dessous qui montrent un leadership incontestable du CAC40 par rapport aux principaux indices boursiers des autres grands pays développés, même s’il s’agit seulement de 40 entreprises, qui ne résument pas la situation de l’ensemble.
Pénétration de SBTi par indice boursier
Source : SBTi Monitoring Report 2022
Mais même le entreprises « validées SBTi » ne sont pas pour autant sur une trajectoire suffisamment rapide, comme l’a montré le cabinet de conseil en investissement responsable Axylia, dans une étude publiée fin avril 2023. Il a retenu 800 des 1.000 entreprises cotées en Bourse validées SBTi, en laissant de côté celles pour lesquelles les analystes ne disposaient pas de suffisamment de données ou celles qui ne publient pas leur Scope 3 (émissions indirectes), sur-représentées notamment dans le secteur bancaire. Résultat : leurs engagements, qui par construction sont parmi les plus ambitieux au monde, ne permettent de réduire leurs émissions que de 2% entre 2020 et 2030. Selon le Giec, c’est ce qu’il faudrait faire chaque année…
NewClimate Institute a publié un rapport en janvier 2022 avec le soutien de l’ONG Carbon Market Watch, centré sur l’analyse de 25 des plus grandes entreprises du monde ayant pris des engagements de neutralité carbone. Selon le rapport, elles n’atteindront qu’une réduction moyenne de 40 % de leurs émissions par rapport à 2019, ce qui est très largement en retrait. Parmi elles, les engagements climatiques de Nestlé, Saint Gobain, Carrefour ou encore Unilever ont été classées comme ayant une très faible intégrité, notamment parce que très peu d’entreprises comptabilisent réellement les émissions générées lors de la consommation de leurs produits (Scope 3). En moyenne, pour ces 25 entreprises, 87 % de leur empreinte carbone provient justement de ce scope 3. De même, la compensation carbone, pratique très controversée est pointée du doigt. Le rapport aborde également les faiblesses de l’initiative Science Based Targets (SBTi) et révèle que 16 des 25 entreprises analysées avaient reçu une certification de SBTi selon laquelle leurs plans climatiques sont compatibles avec une trajectoire 1,5°C. « Nous considérons cette note comme litigieuse ou inexacte, en raison de divers détails et lacunes qui compromettent considérablement les plans des entreprises », indiquent les auteurs du rapport. « Les initiatives de normalisation sont confrontées à une tâche difficile et à un potentiel conflit d’intérêt, s’ils doivent à la fois définir la norme et évaluer les entreprises en fonction de leurs propres critères et directives ».
Les conclusions de ce rapport sont loin d’être une surprise. Fin octobre 2021, juste avant la tenue de la COP26 à Glasgow, le cabinet BCG Gamma avait calculé que si une entreprise cotée sur cinq à travers le monde s’était engagée à atteindre la neutralité carbone, seulement 9 % mesuraient de façon précise leurs émissions.
Au détour d’une étude de l’INSEE, on apprend aussi que seulement 30 % des entreprises françaises ont pris des mesures pour baisser la consommation d’énergie de leurs équipements informatiques (TIC) en 2022, contre 44 % des entreprises européennes[12].
Le Haut Conseil pour le climat (HCC) demeure ancré dans une approche plutôt « macro-économique » : il survole les grands secteurs d’activité (agriculture, bâtiment, énergie, industrie…) sans entrer dans les complexités de l’entité la plus granulaire du système économique, à savoir l’entreprise. Cependant, il fait œuvre utile en notant l’insuffisance actuelle du reporting climatique des entreprises. Ainsi, dans son rapport annuel 2023 : « La faiblesse du reporting européen et international concernant les engagements des acteurs non-étatiques (entreprises, investisseurs, villes, régions) ne permet pas d’assurer la qualité et l’utilité de ces engagements et fragilise l’action climatique. Des mesures pour répondre à ces déficiences ont été proposées à la COP27 par le groupe de haut niveau sur « the Net Zero Emissions Commitments of Non-State Entities », lancé à la demande du secrétaire général des Nations unies. Ces recommandations devraient être mises en œuvre en Europe et sur le territoire national et soutenues par la France ». Il n’est pas certain que le déploiement de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive) y suffise.
C’est effectivement en incitant les entreprises à mesurer leur empreinte puis à construire un plan d’action et enfin à faire en sorte que celui-ci s’aligne avec les engagements internationaux de la France que l’on parviendra à créer une dynamique. Le HCC met l’accent dans son rapport annuel 2023 sur la méthode ACT (Assessing Low Carbon Transition) développée en France par l’Ademe en partenariat avec le groupe CDP. Elle propose un cadre de comptabilité volontaire aux entreprises incluant cinq éléments : la vision et les objectifs de décarbonation de l’entreprise, le plan de transition, la stratégie de court terme et ses résultats, l’héritage des décisions passées, et la cohérence de la stratégie avec l’ensemble des activités de l’entreprise. Les résultats reportés par les entreprises sont ensuite évalués de manière indépendante par l’Ademe et le CDP qui leur attribuent leur score ACT selon une vingtaine d’indicateurs regroupés en trois critères :
- la performance avec une note allant de 1 à 20 ;
- la cohérence avec une note allant de A à E ;
- la tendance avec une note + (amélioration), – (dégradation) ou = (stable).
Le score global traduit le degré d’alignement de la stratégie de l’entreprise au regard des trajectoires sectorielles de décarbonisation. Ce cadre a été utilisé par 530 entreprises à ce jour dans un esprit d’accompagnement volontaire seulement. Le HCC considère que « la méthode ACT pourrait être encore renforcée en s’appuyant de manière explicite sur les principes nouvellement établis par le groupe d’experts de haut niveau des Nations unies ».
Ce type d’approche est nécessaire face au constat du manque de passage à l’acte : les entreprises françaises ont largement progressé dans la prise de conscience mais en dehors de quelques brillantes exceptions, restent frileuses en matière de mise en œuvre (voir : « Nos dirigeants sont-ils climato-sceptiques sans le savoir ? »). Il est vrai que peu d’entreprises ont été capables de faire pivoter leur modèle d’affaires et de concevoir le réchauffement climatique comme une source d’opportunités plutôt que comme une contrainte (voir : « Le développement durable contre l’emploi ? »).
L’industrie française : des engagements significatifs mais insuffisant pour s’aligner avec la stratégie bas carbone de la France
Les entreprises industrielles sont-elles mieux positionnées ? Elles le sont probablement car elles sont couvertes par une réglementation beaucoup plus stricte que celles qui s’appliquent aux autres secteurs, du fait de la directive européenne relative aux émissions industrielles, dite IED (Industrial Emissions Directive), adoptée en 2010, qui conditionne les autorisations d’exploitation au respect des « meilleures techniques disponibles » (MTD), c’est-à-dire les procédés, les technologies et les bonnes pratiques en vue de limiter les impacts environnementaux. Cette directive couvre actuellement 50.000 installations industrielles dans l’UE.
Le Président de la République a réuni le 8 novembre 2022 les dirigeants des 50 sites industriels les plus émetteurs, représentant 60% des émissions de l’industrie, et les quatre filières industrielles les plus émettrices (chimie, métallurgie, matériaux et construction et agroalimentaire), représentant 80 % des émissions nationales, pour leur demander de définir avec l’Etat leur trajectoire vers la neutralité carbone. L’industrie a joué les bons élèves, puisque ces 50 sites industriels « qui exercent l’impact environnemental le plus important » (dit plus simplement : les plus polluants) ont remis au gouvernement leur feuille de route de décarbonation, présentée un an plus tard, en novembre 2023. Précision importante : ces feuilles de route sont non contraignantes.
En cumulant les engagements pris par les 50 grands industriels dans leurs contrats de transition écologique, on peut tracer une trajectoire d’évolution des émissions totales des grands industriels. Conformément à la demande du gouvernement, les contrats présentés par les industriels doivent permettre à ces gros pollueurs de réduire de 45 % leurs émissions de CO2 à l’horizon 2030 (soit 22 MtCO2eq d’émissions en moins chaque année) et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Une étude de La Fabrique de l’industrie et de KPMG publiée le 23 novembre 2023, a examiné la situation de 38 grandes entreprises industrielles et permet de mieux comprendre la situation de l’industrie[13]. Ces entreprises ont été sélectionnées parmi les adhérents de France Industrie et de l’Institut des entreprises : elles sont donc certainement plus avancées que la moyenne. Elles ne recoupent pas forcément les 50 sites les plus polluants retenus par le gouvernement.
Si l’on s’arrête à l’existence d’un plan de transition, tout va bien : non seulement 100% de ces grandes entreprises industrielles en disposent mais 71 % d’entre elles indiquent être en avance par rapport aux objectifs fixés par ces plans. Mais le problème réside dans le manque d’ambitions de ces plans. Seules 39 % de ces entreprises ont dans leur feuille de route une trajectoire cohérente avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui va être révisée en 2024[14]. Seules 22 % de ces entreprises visent une baisse de leur empreinte carbone supérieure à 10 % à horizon 2024… alors qu’il s’agit de l’objectif compatible avec la SNBC actuelle pour le secteur de l’industrie.
Sans surprise, la sobriété et l’efficacité énergétique restent en tête des instruments plébiscités par les industriels pour décarboner leur activité. On retrouve ici les priorités relevées par l’étude de BPIfrance sur « Les dirigeants de PME-ETI face à l’urgence climatique » (voir : « Nos dirigeants sont-ils climato-sceptiques sans le savoir ? ») : des solutions génératrices d’économies de coûts, peu risquées, qui ont fait leurs preuves. Ainsi, sur les quatorze leviers évoqués dans les feuilles de route, six relèvent de l’un de ces deux piliers. Dans le top 3, on retrouve l’amélioration de l’éclairage et du chauffage (100 %), le recours à des machines moins énergivores (86 %) et l’amélioration du rendement des installations (83 %). Le verdissement du mix de matières premières et l’évolution du mix énergétique en faveur d’une énergie décarbonée reviennent également régulièrement dans les trajectoires de décarbonation des industriels. Ainsi, 60% de ces entreprises prévoient d’électrifier leurs procédés et leurs machines et 57% de moderniser leurs flottes internes de véhicules.
Si on lit bien la préface de ce rapport, sous la plume de Pierre André de Chalendar, ancien PDG de Saint-Gobain, on comprend que les grandes entreprises françaises manquent d’ambition et n’ont pas encore réellement engagé la substance de la transition : « Les grandes entreprises sont majoritairement alignées voire en avance sur leurs propres objectifs [en matière de décarbonation des grands groupes français] mais elles restent cependant globalement en-deçà des attentes de la feuille de route nationale. Une explication possible, elle aussi apportée par l’enquête, est qu’elles misent principalement – pour le moment du moins – sur des gisements d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique. Les investissements plus massifs dans les procédés de production sont encore à venir ».
Pourquoi ces industriels ne vont-ils pas plus vite ? Essentiellement pour des raisons de rentabilité et de contraintes économiques. Le premier frein identifié par l’enquête est le montant des investissements, suivi de l’incertitude, voire l’absence de retour sur investissement et la durée des projets. L’attentisme face aux évolutions incertaines de la réglementation européenne est également cité.
Pour avoir une idée précise du retard de l’industrie française (qui, encore une fois, n’est certainement pas le pire des secteurs vis-à-vis de la décarbonation) on peut méditer ce passage issu de la conclusion du rapport : « Si les grandes entreprises sont conscientes de leur poids dans les émissions industrielles, elles doivent accélérer leur rythme de décarbonation pour atteindre les objectifs nationaux. Plus précisément, l’industrie doit décarboner trois fois plus vite d’ici 2030 qu’au rythme observé entre 1990 et 2022. Cette accélération de la décarbonation constitue, pour les entreprises de grande taille, un véritable défi. L’enquête révèle qu’elles sont, pour l’instant, peu enclines à modifier leur modèle d’affaires, ce qui les appelle en retour à composer avec leurs activités existantes ».
Jouzel versus Pouyanné : il n’y a pas photo !
Dans une interview accordée aux Échos le dimanche 3 septembre 2023, le paléoclimatologue Jean Jouzel raconte sa rencontre « glaciale » et infructueuse le 29 août avec un auditoire d’entrepreneurs réunis par le Medef. Je prends le temps de m’arrêter sur cet échange car il est emblématique des incompréhensions qui bloquent les changements nécessaires. Jean Jouzel dénonce l’inertie des grands dirigeants français, et en particulier celle de Patrick Pouyanné, à la tête de l’entreprise pétro-gazière TotalEnergies depuis octobre 2014. « Son discours m’a subjugué », lance Jean Jouzel de but en blanc dès le début de cet entretien. Le climatologue mondialement reconnu pour ses travaux au sein du Giec, avait cherché à expliquer au patron de TotalEnergies l’importance d’arrêter d’investir au plus vite dans les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz…), au profit des renouvelables, pour limiter le réchauffement climatique. Aujourd’hui, « pour limiter le réchauffement à 1,5 °C nous n’avons plus que 5 ans d’émissions au rythme actuel, et un peu moins de 15 ans si on veut le limiter à deux degrés. En réalité nous partons de façon quasi délibérée vers un réchauffement qui pourra atteindre 3 °C, voire 4 °C en France », avait encore souligné l’ancien responsable du groupe d’experts climat de l’ONU.
« Cette transition, je suis désolé Jean, elle prendra du temps », avait alors répondu Patrick Pouyanné. « Je respecte l’avis des scientifiques mais il y a la vie réelle », avait-il argumenté, « assumant » de poursuivre ses investissements pétro-gaziers car la demande croît : « je dois assurer la sécurité d’approvisionnement au coût le plus efficace ». De fait, quelques jours plus tard, le groupe TotalEnergies annonçait en septembre 2023, sa volonté d’augmenter la production d’hydrocarbures de 2 à 3 % sur les cinq prochaines années.
Ce discours et ces actes sont à contre-courant des conclusions de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et des rapports du GIEC, qui assurent qu’il n’y a justement plus le temps. Ces institutions scientifiques affirment qu’aucun nouveau projet pétrolier et gazier ne doit sortir de terre si l’on ne veut pas dépasser l’objectif de 1,5 degré de réchauffement, par rapport à l’ère préindustrielle[15].
« À la fin, j’en ai marre… », déplore Jean Jouzel, désabusé par l’attentisme de Patrick Pouyanné qui dirige l’une des entreprises les plus polluantes du monde. « Patrick Pouyanné a invoqué la ’vie réelle’. Mais la vie réelle, c’est aussi l’équivalent du quart de la surface de la France qui a brûlé au Canada, les canicules et leurs morts », s’insurge encore l’ancien directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace dans les colonnes des Échos. Fort heureusement, Jean Jouzel ne s’est pas laissé décourager et a repris de plus belle ses activités.
Ce dialogue exprime très bien les deux raisons pour lesquelles les entreprises françaises prennent un retard préjudiciable dans leur décarbonation.
Premièrement, l’objection de « la vie réelle » opposée à « l’avis des scientifiques » est surprenante de la part d’un dirigeant du CAC40, qui plus est doté d’un solide bagage scientifique, diplômé de l’X (1986) et de l’Ecole des Mines de Paris. Elle trouve son sens dans la hiérarchisation entre la pression financière, qui s’applique directement sur le dirigeant et celle du réchauffement climatique, plus lointaine (voir la théorie de la tyrannie des horizons par le banquier central britannique Mark Carney) et diffuse (voir la théorie du passager clandestin par l’économiste américain Paul Samuelson).
Pour engranger des profits à court terme, Mr Pouyanné fabrique des « stranded assets » (actifs échoués) à moyen et long terme. Les actionnaires de TotalEnergie vont finir par s’en rendre compte. Dans un rapport publié le 23 novembre 2023, l’Agence internationale de l’énergie estime que la valorisation actuelle des sociétés pétrolières et gazières privées pourrait chuter de 25% si tous les objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat étaient atteints, et jusqu’à 60% si le monde parvenait à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
Comme l’affirme un autre dirigeant, Guy Cormier, PDG de Desjardins Group, le plus important groupe financier coopératif canadien : « Je rêve du jour où nous prêterons autant d’importance et d’attention aux indicateurs ESG trimestriels et aux résultats environnementaux que nous en prêtons aux bénéfices et au PIB »[16].
Deuxièmement, la posture adoptée vis-à-vis d’un enjeu global comme le réchauffement climatique est empreinte de laisser faire : puisque la demande croît, on continue, nous explique le dirigeant. Mais alors, ce dirigeant ne dirige que ses troupes ; il n’a aucune influence – bien que faisant partie des Majors – sur le secteur, sur ses clients ? Une dépêche AEF de novembre 2023 retrace très bien l’argumentation du PDG : « C’est uniquement lorsque nous aurons un système décarboné que nous pourrons arrêter le pétrole car sinon personne ne l’acceptera, nous y compris. (…) Pour répondre à la demande qui continue de croître, nous devons augmenter nos investissements. Lorsque nous verrons la demande commencer à baisser, probablement autour de 2030, il faudra alors investir moins pour laisser le déclin se faire naturellement »[17]. Pour « répondre à la demande d’énergie », le secteur du Oil & Gaz pourrait investir massivement dans les énergies renouvelables. Mais cela n’est pas le cas, comme le montre le rapport de l’AIE intitulé « The oil and gaz industry in net zero transition » publié en novembre 2023 : à l’échelle mondiale, les producteurs de gaz et de pétrole ne représentent que 1 % des investissements dans des technologies propres, soit « une force marginale ». Cette attitude de suiveur, uniquement affectée par le marché et les actionnaires, est évidemment aux antipodes de la RSE qui au contraire, incite les entreprises et leurs dirigeants à s’engager et à tenir compte des enjeux environnementaux dans leurs décisions (loi Pacte de mai 2019).
Le 3 décembre 2023, à l’ouverture de la COP28, le quotidien britannique ‘The Guardian’ publiait une vidéo dans laquelle Sultan Al Jaber, qui présidait la COP28 mais est également PDG d’une grande compagnie pétrolière émiratie, affirme : « Il n’existe pas de données scientifiques, pas de scénario, qui indiquent que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettra d’atteindre le seuil de 1,5°C ». Il répondait, dans cette vidéo datée du 21 novembre à Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande et par ailleurs ex-envoyée spéciale des Nations unies pour le changement climatique. Cette dernière évoquait la nécessité éliminer progressivement les combustibles fossiles, ce à quoi Sultan Al Jaber a rétorqué : « S’il vous plaît, aidez-moi, montrez-moi la feuille de route pour une élimination progressive des combustibles fossiles qui permettra un développement socio-économique durable, à moins que vous ne souhaitiez ramener le monde dans des grottes ». Jusqu’ici, Sultan Al Jaber n’avait pas aussi frontalement remis en cause la science, ce qui apparaît comme inquiétant de la part du président de la COP28, censé avoir une position de neutralité.
Ce n’est d’autant pas une surprise que Sultan Al Jaber est flou sur la fin des énergies fossiles. Comme le relève Novethic, il déclarait dans un discours en mai 2023 : « Notre objectif devrait être axé sur l’élimination progressive des émissions de tous les secteurs, qu’il s’agisse du pétrole et du gaz ou des industries à fortes émissions »[18]. Le président vise ici la baisse des émissions et non pas celles des énergies fossiles, en s’appuyant sur des technologies de capture et de stockage de CO2, encore chères et immatures.
Bien entendu, Patrick Pouyanné et Sultan Al Jaber ne sont pas les seuls dirigeants qui apparaissent en retrait des enjeux. Dans son interview à Libération du 4 mai 2023, Valérie Masson-Delmotte, climatologue et co-présidente du groupe 1 du GIEC, explique les difficultés qu’elle observe pour convaincre les décideurs de l’urgence de l’action. « En participant à des actions de formation dans les administrations centrales, les cabinets ministériels, j’ai mesuré à quel point des gens très intelligents, qui prennent en permanence des décisions complexes, manquent de vision d’ensemble des enjeux climatiques ». Dans une interview au journal belge L’Echo (6 janvier 2023), elle soulignait, qu’au vu de son expérience, beaucoup de gens, de pouvoir, ont « une compréhension parfois extrêmement superficielle » de ces phénomènes, notamment du fait des « effets de valeurs enracinées et qui n’ont pas été réactualisées par rapport à l’état des connaissances scientifiques récentes ». Elle s’effare de rencontrer encore « des gens intelligents, qui gèrent en permanence des choses extrêmement complexes, n’ont pas fait l’effort de prendre quatre heures de leur temps pour comprendre sérieusement les causes, les implications, identifier quelles sont les clés d’action dont ils disposent, et pour qui ça reste quelque chose d’assez superficiel ».
L’engagement des dirigeants
On constate ainsi à quel point le leadership est important sur ce type d’enjeu. Peter Lacy, responsable mondial Sustainability et Chief Responsibility Officer d’Accenture n’a sans doute pas tort lorsqu’il déclare : « L’époque actuelle est peut-être la plus difficile pour un PDG, en particulier lorsque l’on tente de concilier engagements environnementaux, contexte d’inflation, risque de récession, et nécessité de créer de la valeur à la fois pour les actionnaires et pour les parties prenantes »[19]. Mais heureusement, de plus en plus de dirigeants s’y lancent et font ce à quoi Patrick Pouyanné semble se refuser : prendre la main. La prise de conscience des dirigeants français a beaucoup progressé ces dernières années, comme en témoigne la tribune « Accélérer la transition écologique », signée par 60 président(e)s de grandes entreprises françaises (dont Mr Pouyanné) et publiée par La Tribune fin novembre 2023[20]. Elle mérite d’être signalée, d’autant plus qu’elle est signée par les présidents (on aimerait rencontrer plus de prénoms féminins) des très grandes entreprises polluantes et pas toujours à l’avant-garde des innovations environnementales.
L’essentiel y est dit : il faut « accélérer encore les investissements de transition » pour « réduire nos émissions » et « investir rapidement dans un modèle de production et consommation décarboné » ; il faut « développer la circularité », nouer « une nouvelle relation au vivant », « limiter les déchets, recycler, régénérer la nature », « réinventer ensemble notre modèle de société » et « accompagner les plus vulnérables dans cette transformation ».
Le texte intégral de cette tribune et la liste des signataires figure ci-dessous (dans la section « pour aller plus loin »). Nous en retenons ici les extraits les plus significatifs :
« Il est indispensable d’accélérer encore les investissements de transition, déjà considérables, faits par les pouvoirs publics, les Français et nos entreprises pour réduire nos émissions, changer d’énergie et investir rapidement dans un modèle de production et consommation décarboné, nous adapter, former les acteurs. (…) Nous pensons possible de construire ensemble une nouvelle prospérité compatible avec les limites de notre planète ; nous proposons de la fonder sur des innovations et des investissements qui développent la circularité, cette sobriété structurelle, et une nouvelle relation au vivant. (…) Nous pouvons tous choisir de jouer un rôle actif et d’adopter les nouveaux modes de vie proposés.
Nous appelons à avancer tous concrètement sur deux priorités. La première est de tous réallouer nos dépenses et notre temps, réinventer et réinvestir dans nos outils de production, de distribution et de services, nos logements, nos transports, nos modes de consommation pour décarboner, limiter les déchets, recycler, régénérer la nature. (…)
L’autre priorité est de réinventer ensemble notre modèle de société : nos entreprises s’activent et investissent pour renforcer nos impacts positifs et limiter nos impacts négatifs. Au-delà, des règles de vie collective sont nécessaires pour gérer durablement et équitablement la rareté des ressources, accompagner les plus vulnérables dans cette transformation qui les protégera et renforcer notre résilience pour anticiper les crises de toute nature. Pour que les Français adhèrent à cette dynamique de transformation, il est aussi nécessaire qu’elle soit perçue comme conduisant à plus d’équité. (…) Nous sommes mobilisés et à votre écoute, montrons ensemble que c’est possible ».
Bien sûr, il faudra être attentif à la concrétisation de ces engagements en actes. Mais il me semble très positif de voir les dirigeants des plus grandes entreprises françaises prendre le risque… d’être pris au mot !
Au-delà de ces louables intentions, il faudrait confronter le contenu de cette tribune aux réalisations. C’est ce qu’on fait, à l’échelle internationale, Global Compact (une organisation des Nations Unies) et le cabinet de conseil Accenture dans la 12ème édition de leur étude CEO Study, publiée en décembre 2022[21]. Menée auprès de 2.600 directeurs généraux de grandes entreprises dans 128 pays et 18 secteurs d’activité, elle montre que ces derniers sont encore loin de s’engager réellement dans des stratégies de durabilité, en dépit de discours souvent volontaristes. Les dirigeants déclarent à 98% que leur rôle est de rendre leur entreprise plus durable et à 72% qu’ils estiment être responsables de la performance de leur organisation en matière environnementale ou sociale. La majorité disent qu’ils ont conscience d’avoir un rôle critique à jouer dans l’atteinte des ODD (Objectifs du Développement Durable).
Les dirigeants sont parfaitement conscients des effets du réchauffement ; ils ont pu personnellement en constater les effets. Parmi eux, 93% pensent que le réchauffement climatique les impacte (dont 33% fortement), 89% pour la pollution de l’air, de l’eau et des sols, et même 84% pour la crise de la biodiversité.
Pourtant ces discours volontaristes coexistent avec un manque flagrant d’engagement concret et de passage à l’acte. Lorsqu’on demande aux dirigeants ce qu’ils mettent concrètement en place pour engager cette transformation durable dont ils disent être les garants, ils ne sont que 34% à mettre en œuvre des mesures pour réduire leurs émissions de CO2 sur le scope 3. Moins de 25% disent qu’ils traduisent l’impact de leurs risques climatiques dans leurs rapports financiers. « Alors que 80% des directeurs généraux disent comprendre l’impact de leurs activités sur la biodiversité, seulement 35% ont initié des projets pour protéger la nature », nous dit le rapport. 33% seulement des dirigeants disent encourager la performance ESG de leurs fournisseurs, moins d’une entreprise sur deux s’engage dans une stratégie d’économie circulaire et de réduction des déchets.
L’approche attentiste de Mr Pouyanné que nous avons constatée ci-dessus ne lui est pas réservée : de nombreux dirigeants continuent à esquiver leur responsabilité dans les transformations à venir, et adoptent une posture de laisser-faire. Ainsi, paradoxalement, 68% des dirigeants d’entreprise pensent que ce sont les consommateurs qui auront le plus gros impact sur leur capacité à gérer la durabilité de leur entreprise dans les 5 prochaines années. Ils ne sont que 22% à estimer que c’est leur comité de direction qui aura la plus grosse influence sur ce sujet.
Quelques semaines auparavant (novembre 2022), Accenture avait publié un rapport basé sur une analyse des engagements de réduction des émissions et des données des 2.000 plus grandes entreprises publiques et privées dans le monde[22]. En voici les trois conclusions qui me semblent les plus marquantes :
- Alors que plus d’un tiers (34 %) des plus grandes entreprises mondiales se sont engagées à atteindre la neutralité carbone, dans leur écrasante majorité (93 %) elles ne parviendront pas à atteindre leurs objectifs si elles ne doublent pas au moins le rythme de leurs réductions d’émissions d’ici 2030.
- Malgré les engagements pris, seules 7 % des entreprises sont en passe d’atteindre leurs objectifs de neutralité carbone pour les émissions de scope 1 et 2 si elles continuent de se transformer au rythme actuellement observé.
- Même dans un scénario où les entreprises doubleraient la réduction de leurs émissions d’ici 2030, puis les multiplieraient ensuite par trois, 59 % d’entre elles ne parviendraient toujours pas à atteindre leurs objectifs d’ici 2050 – échéance à respecter afin d’éviter les conséquences les plus catastrophiques et les plus irréversibles du changement climatique.
Le changement climatique reste également très bas dans les préoccupations des PDG d’entreprises françaises, comme nous l’avons vu pour les entreprises internationales (voir des exemples d’études sur la situation en France dans : « Nos dirigeants sont-ils climato-sceptiques sans le savoir ? »).
Interrogés en novembre 2023 pour connaître leurs préoccupations pour 2024, les dirigeants d’entreprise en France ne mettent pas particulièrement l’accent sur les enjeux climatiques, par ailleurs dilués dans la vaste catégorie « risques environnementaux »[23].
Source : Harris Interactive – Préoccupations des patrons français pour 2024
Selon l’hebdomadaire Challenges du 6 octobre 2022, la dernière vague du baromètre OpinionWay BDO montre que la préoccupation principale des chefs d’entreprise en France est l’inflation à 65 %, bien avant les problèmes environnementaux, qui plafonnaient auparavant aux alentours de 11 % et sont même descendus à 3 %. D’après le baromètre Viavoice le Figaro BFM Business du 26 septembre 2023, 49 % des personnes en activité, mais surtout 47 % des dirigeants pensent que leur entreprise n’est pas engagée sur les enjeux climatiques !
Ces données confirment le manque cruel de leadership sur l’enjeu climatique (et plus largement, environnemental) à la tête des entreprises françaises (voir : « Climat : les Conseils d’administration sont loin du compte »).
L’intégration de l’enjeu climat dans la rémunération des dirigeants : hypocrisie à la française
L’IFA (Institut français des administrateurs) a publié en novembre 2023 la troisième édition de son baromètre des rémunérations consacré aux objectifs climat dans la politique de rémunération des dirigeants du SBF 120[24]. Cette étude met en lumière l’évolution significative de l’intégration des enjeux climatiques dans la rémunération des dirigeants du SBF 120 :
- augmentation notable du nombre d’entreprises du SBF 120 intégrant des objectifs climatiques ou environnementaux dans leur politique de rémunération : désormais 88% des entreprises du SBF 120, contre 80% en 2022, ont mis en place au moins un objectif environnemental dans un élément de la rémunération de leur dirigeant,
- tendance croissante à l’adoption de critères liés à la réduction des émissions de GES et à la durabilité,
- progression du poids des critères climatiques dans la rémunération variable des dirigeants.
Pour avoir milité depuis bien longtemps pour parvenir à cette évolution, qui désormais est soutenue par le code de gouvernance Afep/Medef, je m’en félicite. Sur le plan théorique, elle est essentielle pour aligner l’intérêt des dirigeants sur ceux de la planète mais aussi pour envoyer un message clair à l’ensemble des salariés de l’entreprise sur la priorité affectée à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais voilà, il y a une ombre au tableau et elle jette un voile obscur sur l’authenticité de cette démarche. L’étude montre que le taux d’atteinte des objectifs climat affecté aux dirigeants est de … 113 % en moyenne !
Si les entreprises françaises étaient parfaitement positionnées vis-à-vis de l’enjeu climatique ; si la France et ses entreprises démontraient la réussite éclatante de leur transition écologique, on pourrait se féliciter de cette performance. Ce n’est évidemment pas le cas. Ce n’est pas non plus une aberration statistique : la surperformance était déjà constatée en 2022 et elle s’accentue en 2023… On retrouve ici le constat posé dans l’étude des sites industriels réalisée par La Fabrique de l’industrie : 100% des grandes entreprises industrielles disposent d’un plan de décarbonation mais le problème réside dans le manque d’ambitions de ces plans.
Il existe deux hypothèses pour expliquer cette surperformance des dirigeants confrontée à la sous-performance de la transition climatique des entreprises. Dans une première hypothèse, c’est une difficulté d’ajustement : on est au début, on tâtonne… Dans une seconde hypothèse, les dirigeants exécutifs – mais aussi les Conseils et leur comité des rémunérations – ont trouvé là un moyen indolore de poursuivre la hausse des rémunérations des dirigeants en contournant les objections de leurs parties prenantes. J’essaierai de revenir sur ces hypothèses à la lumière des quelques données disponibles.
Conclusions (provisoires)
Le constat est clair : les entreprises françaises sont restées sur le seuil de leur transition climatique. Les initiatives qu’elles ont engagées (économies de matières et d’énergie, etc.) sont significatives mais n’entrent pas dans le vif du sujet et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. C’est leur modèle économique dans sa globalité que les entreprises françaises doivent repenser aujourd’hui. Elles en sont loin.
A force de procrastiner, il sera trop tard pour engager le mouvement, comme le reconnaissent quelques dirigeants éclairés.
« Je pense que la société au sens large aurait pu s’emparer du sujet de la transition climatique il y a 30 ou 50 ans, que les éléments d’information étaient probablement là. Maintenant on est dans une course de vitesse. » – Guillaume Faury, président d’Airbus[25]
« Aujourd’hui, la majorité des entreprises ont une réelle volonté de faire changer les pratiques en matière environnementale et sociale, certaines ont d’ailleurs déjà concrétisé ces engagements. Mais face à l’urgence de la situation, l’exemplarité n’est plus suffisante. À titre personnel, j’ai longtemps cru que le rôle-modèle de quelques entreprises phares suffirait à emmener tous les acteurs mais aujourd’hui, je dois reconnaître que le changement ne va pas suffisamment vite. » – Pascal Demurger, directeur général de la Maif et coprésident du Mouvement Impact France[26]
Ce schéma du GIEC illustre l’ampleur du changement de cap qu’il faut accomplir :
Sur ce sujet, nous manquons cruellement de leadership. Comme chaque année depuis 2011, en fin de saison des assemblées générales, l’Institut du capitalisme responsable (ICR) remettait le 27 juin 2023 des grands prix aux grandes entreprises françaises qui prennent à cœur leurs responsabilités sociales et environnementales. Le prix de la transition environnementale socialement responsable n’a pas été décerné… faute de récipiendaire convaincant. Les membres du jury, présidé par Nicole Notat, ont estimé qu’aucune entreprise n’avait atteint les critères pour l’obtenir. Ils attendaient en effet du lauréat qu’il présente une trajectoire d’amélioration de son impact environnemental associée à des objectifs qui atténueraient les risques sociaux liés à cette transition. « Nous avions voulu indiquer la nécessité de miser sur l’acceptabilité sociale par les salariés de ces politiques de transformation », explique Nicole Notat, ajoutant que « nous avons aussi regardé comment étaient traités par les entreprises les impacts sociaux de leur politique de transition. Mais ces thèmes ne nous ont pas paru assez murs au sein des entreprises analysées »[27].
Une autre difficulté tient à la capacité à distinguer les « grands faiseurs » des « grands diseurs » (voir : « Les leviers de la RSE : l’heure des grands faiseurs est venue »). L’Observatoire de la responsabilité climatique des entreprises décortique les stratégies de décarbonation des grandes entreprises[28]. Les auteurs de son second rapport annuel (février 2023) regrettent que « les vrais leaders du climat », comme Maersk et Stellantis, aient « du mal à se distinguer » parce qu’ils sont « placés au même niveau que d’autres — dont American Airlines, Carrefour, Deutsche Post DHL, Fast Retailing (Uniqlo), Inditex (Zara), Nestlé, PepsiCo, Volkswagen et Walmart — qui font des déclarations similaires mais avec des engagements de réduction des émissions très limités ».
Il est donc urgent que les données concernant les plans de décarbonation des entreprises et les actions associées soient validées (par exemple par l’initiative SBTi — Science-Based Targets), puis deviennent publiques et fassent l’objet d’une large communication auprès des consommateurs, des collaborateurs (actuels et futurs) et des citoyens, afin de leur permettre d’orienter leurs choix. La directive européenne CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive), qui entre en application dès janvier 2024 pour les plus grandes entreprises, va y contribuer mais n’y suffira pas.
Comme le remarquait le naturaliste Sir David Attenborough lors de la COP 26, « nous sommes les plus grands résolveurs de problèmes que la terre ait jamais portés. Si en travaillant séparément, nous sommes suffisamment forts pour déstabiliser notre planète, il n’y a aucun doute qu’en travaillant ensemble, nous sommes suffisamment forts pour la sauver »[29]. Il faut que dans chaque entreprise française se trouve un Président, capable de se tourner vers son Conseil d’administration et vers son Comex pour leur dire : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »[30]. C’était il y a plus de 20 ans mais aujourd’hui, ce serait un réel progrès !
Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises, président de
Management & RSE
Pour aller plus loin :
Liste des signataires de la tribune « Accélérer la transition écologique » : Patrick André (Vesuvius Plc), Raphaël de Andréis (Havas), Boutaina Araki (Clear Channel France), Jacques Aschenbroich (Orange), Fabrice Barthélemy (Tarkett), Laurent Bataille (Schneider Electric), Valérie Baudson (Amundi), Benoit Bazin (Saint-Gobain), Thierry Blandinières (InVivo), Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas), Estelle Brachlianoff (Veolia), Philippe Brassac (Crédit agricole), Thomas Buberl (Axa), Cédric Charpentier (Diot-Siaci), François Clément-Grandcourt (Bic Briquets), David Cruickshank (ERM France), Alessandro Dazza (Imerys), Dominique D’Hinnin (Eutelsat), Fabrice Domange (Marsh France), Aiman Ezzat (Capgemini), Jean-Pierre Farandou (SNCF), Laurent Favre (Plastic Omnium), Antoine Flamarion (Tikehau Capital), Thierry Garnier (Kingfisher), Jean-Louis Girodolle (Lazard Frères), Jacques Gounon (Getlink), Paul Hudson (Sanofi), Xavier Huillard (Vinci), Pascal Imbert (Wavestone), Ilham Kadri (Solvay), Patrick Koller (Forvia), Thierry Le Hénaff (Arkema), Patrice Lucas (Verallia), Catherine MacGregor (Engie), Philippe Maillard (Apave), Florent Menegaux (Michelin), Alexandre Mérieux (Biomérieux), Gianmarco Monsellato (Deloitte), Nicolas Namias (BPCE), Jean-Marc Ollagnier (Accenture), Christophe Périllat (Valeo), Sébastien Petithuguenin (Paprec), François Petry (Holcim), Arnaud Pieton (Technip Energies), Bruno Pillon (Heidelberg Materials France), Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Luc Rémont (EDF), Thomas Reynaud (Groupe Iliad), Anne Rigail (Air France), Pascal Roché (Ramsay Santé), Augustin de Romanet (Groupe ADP), Alain Roumilhac (ManpowerGroup France), Rodolphe Saadé (CMA CGM), Arthur Sadoun (Publicis Groupe), Jan Schouwenaar (Primagaz), Maxime Séché (Séché Environnement), Jean-Dominique Senard (Renault Group), Guillaume Texier (Rexel), Arnaud Vaissié (International SOS).
Pour accéder au texte complet de cette tribune, cliquez ici.
Crédit image : Un homme en costume entouré de sa bouée lit le journal comme si de rien n’était. Affiche de l’exposition « Le temps qu’il nous faut », rue de Turenne à Paris, fin 2023. J’ajouterais volontiers : le temps qu’il nous faut nous file entre les doigts.
J’ai parsemé l’article d’une autre image, qui constitue un cas d’école d’une énorme erreur de communication concernant la lutte pour le climat. Cette photo nous montre les dirigeants du G20 (dont les pays représentent près de 80 % des émissions mondiales de GES) réunis à Rome juste avant la COP26, tournant le dos à la fontaine de Trévi, lançant une pièce par-dessus leur épaule, pour invoquer la bonne fortune dans la gestion du dérèglement climatique. Cette image s’est immédiatement attirée le commentaire cinglant de l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, « quel symbole de l’impuissance volontaire des hommes de pouvoir ». Il ajoute sur X (Twitter à l’époque) : « Cette image résume l’inversion des rôles à la lumière de la question climatique. Les gens censés incarner le sérieux (les dirigeants en costume) s’avèrent comiques, quand ceux qui sont supposés être légers (“on n’est pas sérieux quand on a 20 ans”) prennent la crise au sérieux… ».
En réalité, le jeté de pièces de monnaie dans la fontaine de Trévi relève d’une tradition ancienne, pratiquée chaque année par des milliers de touristes. La coutume veut que jeter une pièce de la main droite, dos à la fontaine et les yeux fermés, garantisse de revenir dans la capitale italienne et d’y retrouver sa pièce. Nous sommes nombreux à vouloir y croire puisque selon des estimations, 1 à 1,5 million d’euros sont ainsi lancés chaque année dans la fontaine. Mais l’urgence climatique n’est décidément pas la dolce vita.
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[1] Interview à l’AFP, à l’issue de la COP28
[2] Le HCC est un organisme indépendant évaluant les politiques climatiques, mis en place par Emmanuel Macron en 2019
[3] « Rapport annuel 2023 du Haut Conseil pour le climat – Acter l’urgence, engager les moyens », 28 juin 2023
[4] Ce seuil s’applique en métropole. Pour les entreprises d’outre-mer, il est de 250 salariés.
[5] Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
[6] Selon le rapport de Michel Havard, député (UMP, Rhône), chargé à l’époque d’une mission sur le sujet par l’Élysée
[7] « Why some companies are ahead in the race to Net Zero », BCG report, November 2023
[8] « L’inquiétant sur place des bilans carbone des entreprises », Les Echos, le 16 novembre 2023
[9] “Net Zero Tracker”, Rapport de MSCI Sustainability Institute.
[10] “Missing the Mark – 2022 analysis of global CDP temperature ratings”, Rapport du CDP, September 2022
[11] Élisabeth Lamure et Jacques Le Nay, « Comment valoriser les entreprises responsables et engagées ? Rapport d’information fait au nom de la délégation aux entreprises du Sénat », n° 572 (2019-2020), 25 juin 2020
[12] « Les entreprises en France – Édition 2023 », Insee, Insee Références, 6 décembre 2023, page 148
[13] Ahmed Diop et David Lolo, « Les grandes entreprises sur la voie de la sobriété énergétique », Rapport de la Fabrique de l’Industrie, Novembre 2023
[14] La « stratégie nationale bas carbone » (SNBC), ou « stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone », est une feuille de route pour la France, publiée en novembre 2015, qui vise la transition vers une économie et une société « décarbonée », c’est-à-dire ne faisant plus appel aux énergies fossiles, de manière à réduire ou supprimer la contribution de la France au dérèglement climatique. Pour l’industrie, la SNBC vise une réduction de 35 % des émissions de GES entre 2015 et 2030 et de 81 % d’ici 2050. Elle a été révisée en 2020 (SNBC2) et le sera de nouveau en 2024 (SNBC3).
[15] Rappelons que les combustibles fossiles sont responsables de plus de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 90 % des émissions de dioxyde de carbone, CO2.
[16] “I dream of the day when we will put as much attention and importance on the quarterly ESG criteria and the quarterly environmental results as we do for earnings and GDP.”
[17] Dépêche AEF N°702489
[18] « COP28 : LE PRÉSIDENT SULTAN AL JABER EN PLEIN « DÉNI SCIENTIFIQUE » SUR LA FIN DES ÉNERGIES FOSSILES », Novethic, 3 décembre 2023
[19] Accenture BUSINESS WIRE, November 03, 2022
[20] « Accélérer la transition écologique », La Tribune Dimanche, 26 novembre 2023, page 10
[21] « Reimaging the Agenda, The 12th United Nations Global Compact-Accenture CEO Study », December 2022
[22] « Accelerating Global Companies toward Net Zero by 2050 », Accenture report, November, 2022
[23] Quels sont les enjeux les plus importants pour les entreprises en France ? Échantillon de 304 dirigeants d’entreprises privées de 10 personnes ou plus, sondage Harris Interactive pour BDO France, Le Journal du Dimanche, 10 décembre 2023, page 26
[24] « Troisième édition du baromètre des rémunérations consacré aux objectifs climat dans la politique de rémunération des dirigeants du SBF 120 », étude de l’IFA en partenariat avec Ethics & Boards et Chapter Zero France, Novembre 2023
[25] Guillaume Faury, président d’Airbus, Challenges du 9 novembre 2023
[26] Pascal Demurger, directeur général de la Maif et coprésident du Mouvement Impact France, dépêche AEF du 30 août 2023
[27] Anne-Catherine Husson-Traore, « Orange et Legrand, grand prix des AG 2023, qui n’ont pas trouvé de champion de la transition juste », Novethic, 28 juin 2023
[28] Cet observatoire a été créé par deux think tanks, New Climate Institute et Carbon Market Watch
[29] “We are the greatest problem solvers to have ever existed on Earth. If working apart, we are a force powerful enough to destabilize our planet, surely working together we are powerful enough to save it.”
[30] Vous l’aurez reconnue, j’emprunte cette phrase au président Jacques Chirac, qui l’a prononcée en 2002, au quatrième sommet de la Terre à Johannesburg… et l’avait semble-t-il lui-même empruntée à Jean-Paul Deléage.
Une réponse
Les difficultés rencontrées par la RSE dans son ancrage au sein des organisations n’ont pas pour origine, comme on aimerait le penser ou l’entend souvent dire, le manque de visibilité ou de compétences des dirigeants, mais leur manque de convictions.
Selon le philosophe Francois Vallaeys ( « Les fondements éthiques de la Responsabilité Sociale »), les obstacles des dirigeants à leur engagement RSE trouvent leurs origines dans 6 dilemmes :
– Dilemme ontologique de la pertinence ou non de la notion de RSE ;
– Dilemme philosophique du sens de la responsabilité, s’il faut la comprendre plutôt comme libre engagement altruiste ou comme imputation et redevabilité sociale;
– Dilemme éthique du caractère volontaire ou obligatoire de la RSE ;
– Dilemme stratégique du rôle à accorder aux parties prenantes vis-à-vis de l’entreprise;
– Dilemme politique de la conjugaison au singulier ou au pluriel de la RSE, comme « la » Responsabilité Sociale de « chaque » organisation, ou comme « notre » coresponsabilité commune à coordonner en réseaux ;
– Dilemme historique du devenir de la RSE comme changement radical du mode de production industriel ou comme correction à la marge.
Merci pour cet excellent billet.