Voeux 2025 : We are still in !

Mise à jour : 27 février 2025  ] 

Les années sont comme les amours : on aimerait se laisser aller à la griserie, au ravissement des commencements. En début d’année on a toujours envie de se souhaiter du positif, du désirable, mais là, on a l’épiderme piqué par les embruns.

Car de mémoire de témoin de la RSE, on a toujours navigué avec le vent dans le dos, porté par les alizés, poussé par la force des aspirations convergentes des investisseurs, des clients, des salariés, des pouvoirs publics. Mais le backlash (« retour de bâton ») de l’ESG aux Etats-Unis, puis le tournant politique qui a fait vaciller le Pacte vert sur ses bases – reconnaissons que cela a débuté bien avant les élections européennes de juin dernier – provoquent des répliques – au sens sismique du terme – qui alourdissent les cales des acteurs de la RSE. Pour la première fois depuis longtemps, la RSE navigue par vent debout.

Et on assiste avec consternation au recul de nombreuses entreprises, qui amoindrissent ou abandonnent tout ou partie de leurs engagements : Unilever, Shell, BlackRock, Bank of America. Sur le sujet spécifique de la diversité, confrontées à une offensive délirante sur le thème du wokisme, les défections se multiplient : Walmart, Ford, Toyota, Meta (Facebook & Instagram), Harley-Davidson ont fortement réduit voire supprimé leur politique Diversité. D’autres ont suivi depuis le 20 janvier 2025, lorsque Donald Trump a signé un décret bannissant les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI) au sein de l’administration et chez ses partenaires : Amazon, Google, PayPal, Intel, General Motors, McDonald’s, Pepsi, Disney, Accenture. Le danger, pour les entreprises comme pour ceux qui les accompagnent, c’est évidemment d’affaler la voilure.

Pourtant, par vent de face, on peut encore progresser en tirant des bords. Après tout, c’est par vent debout que les marins révèlent leurs talents. Il faut trouver les courants et les vents porteurs. Ainsi par exemple, toutes les entreprises américaines n’ont pas suivi le mouvement de celles qui ont décidé de mettre fin à leur programme DEI pour complaire à la nouvelle administration de Donald Trump. Plusieurs, au contraire, ont publiquement expliqué le maintien de ces politiques : Apple, Microsoft, Goldman Sachs, JP Morgan, Costco. Il est vrai qu’on les entend moins : ils ne sont plus dans le mainstream. Pourtant, Costco, 3ème groupe de distribution américain, a refusé de mettre fin à sa politique de DEI, provoquant des appels au boycott de la part des soutiens du MAGA – make America great again (Challenges, 30 janvier 2025).

Globalement, les entreprises françaises résistent beaucoup mieux à la tempête que leurs consœurs anglo-saxonnes, sans doute parce qu’elles sont plus dans le faire et moins dans le dire. Durant le Forum économique mondial de Davos, qui vient de se clôturer, le dirigeant de L’Oréal, Nicolas Hieronimus, a pris la parole pour s’opposer aux diatribes contre la diversité déversées par Donald Trump sur écran géant. « On a plus que jamais besoin de diversité, » a-t-il lancé, provoquant des applaudissements dans la salle.

Depuis la victoire de Donald Trump, les grandes banques américaines (Citigroup, Bank of America, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Wells Fargo, JP Morgan) ont toutes quitté la Net Zero Banking Alliance ou NZBA, qui, comme son nom le suggère, est l’alliance des banques qui se donnent des objectifs ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique. Mais les grandes banques françaises sont restées. Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole, deuxième banque française, a déclaré lors de la présentation des résultats du Groupe en février 2025 : « Nous ne remettons pas en cause notre appartenance à la Net Zero Banking Alliance (NZBA). Il n’y a pas de retour en arrière possible. L’urgence climatique n’a jamais été aussi forte et ce n’est pas le moment d’envoyer ce genre de signal négatif ».

Voilà les marins qu’il nous faut.

Cela me rappelle, durant le premier mandat de Trump, la magnifique campagne « We are still in », menée par les grandes entreprises et les villes américaines qui s’opposaient à la sortie de l’Accord de Paris, décidée par la nouvelle administration, en maintenant leurs engagements en faveur du climat. Avec la deuxième sortie de l’Accord, décidée dès le premier jour de son second mandat, Trump a déclenché la résurgence de ce mouvement sous la forme de l’Alliance climatique, une coalition de 24 gouverneurs représentant près de 60% de l’économie américaine et 55% de la population, qui s’engagent à poursuivre leurs efforts.

C’est justement dans les périodes difficiles qu’il faut d’autant plus s’efforcer d’apporter à la fois la lucidité des solutions, les promesses de la fraternité et l’éclat de l’espérance. C’est pourquoi je suis heureux d’avoir retrouvé cette merveilleuse citation de Simone de Beauvoir (1908-1986) : « Je refuse la fatalité, car elle triomphe dès que l’on croit en elle ». C’était sa façon, bien à elle, de nous dire : « We are still in ».

Bonne année !

Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises, fondateur de
Management & RSE

 

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