10 clés de succès d’une vraie Raison d’être pour son entreprise

Remise en lumière en France par le rapport Notat-Senard et consacrée par la loi Pacte, la Raison d’être (RE) s’impose comme un outil de gouvernance et de management qui a déjà capté l’intérêt de nombreuses entreprises, grandes et petites. Les premiers exemples d’entreprises qui ont publié leur RE, dessinent les traits de Janus, un paysage très divers, dans lequel des expressions inspirantes, ambitieuses et étayées par des engagements solides côtoient de simples slogans publicitaires qui ignorent les spécificités de la RE : sa dimension stratégique, holistique et inclusive des parties prenantes.

De fait, une grande confusion règne entre ce qui ressort d’une véritable démarche d’expression d’une RE et des formulations qui sont plutôt des « strategic intent », « mission statement », promesses de marque, « storytelling » ou encore marque employeur. Ces dernières ont leur mérite mais sont tournées vers une partie seulement des parties prenantes, si bien qu’elles ne peuvent tenir lieu de RE, qui est la contribution que l’entreprise apporte aujourd’hui et demain aux principaux enjeux (économiques, sociaux, sociétaux, environnementaux) de ses domaines d’activité en impliquant ses principales parties prenantes.

Le LAB Raison d’être, fondé en mars 2019 (voir la tribune publiée par « Le Monde » annonçant sa création) souhaite aujourd’hui livrer les fruits de ses premières analyses sous forme d’une recommandation publique. – Martin Richer.

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Recommandation publique exprimée par « LE LAB RAISON D’ETRE » (LAB RE),
communauté d’acteurs engagés pour la généralisation de la Raison d’être des entreprises
Septembre 2019

Faisant suite aux nombreux échanges conduits depuis la promulgation de la Loi PACTE, ouvrant la possibilité d’inclure une « raison d’être » dans les statuts des entreprises (nouvel article 1835 du Code civil), les divers acteurs convaincus de l’importance de ce concept se proposent d’animer une campagne de dialogue pour convaincre de l’importance du concept au service de la mutation de l’entreprise « en Société » et partager les bonnes méthodes d’élaboration d’une Raison d’être.

De fait, cette option de la Raison d’être répond bien à la critique préoccupante des relations entre les entreprises et la Société, fondée sur une demande de sens de l’économie et d’un besoin d’engagement collectif des salariés, inquiets de la montée des enjeux planétaires, sociaux et environnementaux, alors même que le Code civil (art.1833) demande que leur prise en considération soit désormais pleinement intégrée dans le modèle d’affaires de l’entreprise.

Le LAB RE plaide en faveur de son utilisation la plus large possible, susceptible d’améliorer la contribution de l’entreprise à la Société.

On trouvera ci-après la conclusion de ses travaux, qui résument les clés de succès d’une « raison d’être d’entreprise », fondées sur l’expérience des premières entreprises pionnières.

Le LAB RE se tient à disposition des dirigeants intéressés pour répondre aux questions soulevées et poursuivre la réflexion collective à ce sujet.

Il prendra l’initiative d’un forum annuel, qui sera l’occasion de suivre et d’impulser la dynamique entrepreneuriale en ce sens.

1 – La RE est un acte de gouvernance et de management résultant d’un dialogue avec les parties prenantes de l’entreprise

La formulation de la RE ne doit pas être envisagée et menée comme un projet de communication ou d’amélioration de l’image de l’entreprise. Elle est liée au projet d’entreprise et ses porteurs sont le Comex (ou Codir) et le CA. Adopter une RE est un acte de gouvernance mais aussi de management. Il est le résultat d’une concertation approfondie avec les principales parties prenantes, au premier rang desquelles les salariés et leurs représentants au sein du Conseil. Cette concertation se poursuit lors de la mise en œuvre de la RE. Elle est une raison importante de mettre en place « un comité de parties prenantes » pour conseiller la Gouvernance.

2 – La RE donne une perspective sociétale à la stratégie

La RE est l’expression arrêtée par la Gouvernance d’une entreprise pour expliciter sa contribution sociétale à travers son métier et ses activités, dans une démarche de long terme convenue avec toutes ses parties prenantes. Proposée par la Loi Pacte qui ouvre la possibilité de l’inclure dans les statuts, la RE permet ainsi de s’inscrire dans le mouvement mondial des acteurs économiques qui veulent que leur projet entrepreneurial participe à la satisfaction des besoins communs planétaires, à travers la réponse apportée à toutes leurs parties prenantes (« purpose »). Elle présente le grand intérêt de relier la stratégie aux Objectifs du Développement Durable (ODD), qui constituent désormais l’agenda mondial pour une croissance durable à 2030.

3 – La RE offre l’opportunité de renforcer la cohérence autour des objectifs de l’entreprise

Définir une RE est une occasion exceptionnelle offerte aux organes de gouvernance des entreprises et aux exécutifs de faire émerger un consensus puis d’exprimer publiquement à leurs parties prenantes la contribution sociétale poursuivie dans le cadre du projet économique et stratégique. Elle est l’occasion de faire converger les comportements internes dans le sens des mêmes objectifs.

4 – La RE est une vision qui se concrétise à travers des engagements explicites et mesurés

La RE doit se décliner en engagements précis, mesurés par des indicateurs clés – cohérents avec ceux de la « déclaration de performance extra-financière » (DPEF) – qui permettent d’évaluer chaque année l’évolution de la contribution de l’entreprise à l’« intérêt général », au sens du référentiel des ODD, soit la performance environnementale (décarbonation / accord de Paris), le respect des principes d’équité, de loyauté et de non-discrimination, et l’accessibilité de son offre au plus grand nombre, dans le cadre d’une approche de croissance inclusive.

5 – La RE inspire une politique d’entreprise assumée devant et avec les actionnaires

La mise en œuvre de la RE est présentée chaque année devant l’AG et est décrite dans le rapport de gestion, notamment concernant l’implication de la gouvernance et des équipes de direction ainsi que les résultats obtenus. De ce fait, la RE rentre au cœur de la performance globale et du rapport intégré. Elle permet ainsi de veiller à sauvegarder dans le temps le soutien des actionnaires à la mise en œuvre des objectifs par le management, pour encourager une croissance utile à l’entreprise et à la Société dans son ensemble.

6 – La RE constitue un engagement, statutaire ou non, qui guide les grandes décisions de la gouvernance

L’intégration de la RE dans les statuts n’est pas une obligation légale. Elle est recommandée à partir du moment où elle recueille un consensus large auprès de l’ensemble des parties prenantes, dont l’ensemble des actionnaires, et que sa formulation est stabilisée. Elle peut aussi faire l’objet d’une délibération en AG sans être simultanément incorporée dans les statuts. Elle favorise et oriente les débats d’actionnaires sur les grandes décisions, notamment quant à l’allocation des ressources issues de la création de valeur.

7 – La RE mobilise toutes les directions de l’entreprise

Les directions développement durable ont un rôle particulier à jouer dans la conception, l’application et l’expression de la RE et des engagements durables qui en découlent, mais elles doivent l’élaborer et la faire vivre en lien étroit avec les autres directions de l’entreprise ; sa mise en œuvre s’applique à l’ensemble des acteurs de l’entreprise. La cohérence entre l’ambition de la RE et la politique RSE dont elle constitue la colonne vertébrale, en termes d’objectifs et de ressources, conditionne la sincérité de la gouvernance et la crédibilité du projet global de l’entreprise.

8 – La RE inspire et structure la stratégie de long terme de l’entreprise

La RE inspire et oriente la mise en œuvre du projet stratégique de l’entreprise. Celui-ci s’enrichit de la vision de long terme et multi-parties prenantes apportée par la RE, tant pour aller au-devant de publics nouveaux qui ont besoin des biens et services de l’entreprise, que pour susciter des innovations, des investissements ou des infléchissements dans les grands choix de l’entreprise.

9 – La RE est « une boussole » pour arbitrer l’évolution du partage de la valeur

La RE permet de faire le lien entre le projet économique et le projet sociétal de l’entreprise et vise à pleinement les conjuguer. La répartition de la valeur qui doit refléter la vision globale, est arbitrée par le Conseil en considérant les besoins du projet économique et les objectifs sociétaux, tels qu’ils ont été formulés dans la RE de l’entreprise, en lien avec les parties prenantes.

10 – La RE apporte un langage commun entre les équipes et les parties prenantes de l’entreprise

Acte fondateur, la RE constitue le fil conducteur inspirant des comportements opérationnels et oriente des choix effectués par les dirigeants, les managers et les salariés, ces derniers ayant la responsabilité de l’appliquer dans leur relation avec leurs clients et tous les partenaires de l’entreprise. Elle se vérifie dans les politiques des dirigeants ; elle les aide à susciter la confiance, l’autonomie et la responsabilité au sein des équipes, en faisant le lien entre tous les acteurs et le contexte général.

Ces 10 principes nous semblent constituer « le corps de doctrine » d’une prise en compte sérieuse et efficace du concept de Raison d’être pour conduire avec succès une démarche visant la satisfaction de toutes les parties prenantes et l’amélioration de la démarche globale d’une entreprise, qui ne sépare plus sa performance propre de celle de la Société et de la planète, au fur et à mesure de sa croissance.

Le LAB RE apporte aux entreprises intéressées des capacités à s’approprier le concept et à conduire des échanges entre pairs et des dialogues parties prenantes pour guider leur démarche. Il organise un forum annuel de suivi et d’impulsion afin d’aider la communauté économique à bénéficier de cette avancée que constitue la Raison d’être pour la bonne gouvernance, la compétitivité et la durabilité de l’entreprise.

Liste des premiers contributeurs et soutiens de la démarche animée par le LAB Raison d’être :
Daniel Hurstel, Jean-Florent Rerolle, Martin Richer, Florence Didier-Noaro, Agnès Rambaud, Rodolphe Durand, André Coupet Patrick d’Humières ainsi que Pierre Minodier (CJD)

Si vous souhaitez soutenir publiquement cette démarche,
merci de me contacter (mricher@management-rse.com)
en confirmant votre accord avec ces 10 principes et en indiquant vos coordonnées
ainsi que l’organisme que vous représentez.

Pour aller plus loin :

Lisez la suite de cet article : « Raison d’être : il est temps de tirer les leçons de l’expérience »

Pour des exemples de la face sombre (ex : Spotify) et de la face lumineuse (ex : Maif), lisez l’article de Gilmar Sequeira Martins et Lys Zohin : « La Raison d’être, le nouvel alpha et oméga des entreprises »

Passez en revue les articles de ce blog consacrés à la raison d’être et aux sociétés à mission

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