Dans « Regards sur le monde actuel », Paul Valéry définissait la modernité comme ce qui est imprévisible et inattendu. Beaucoup plus tard, à la fin des années 1980, l’acronyme VUCA a été créé par le U.S. Army War College pour caractériser l’environnement économique d’aujourd’hui, volatile, incertain, complexe et ambigu. Mais je suis frappé du contraste : alors que les entreprises se réclament du VUCA, au point pour certaines d’entre elles, de s’en gargariser, rares sont celles qui le prennent au mot.
Dans ce monde VUCA, beaucoup de dirigeants continuent à exiger des budgets, que l’on va laborieusement réviser plusieurs fois dans l’année et assortir de prévisions qui ne servent qu’à rassurer le management, à se fier à des batteries replètes de KPI’s que je traduis par « Killing People Initiative », à peaufiner des organigrammes matriciels qui enserrent les responsabilités dans un carcan managérial rétréci, à ignorer méthodiquement le droit à l’erreur, la confiance, la réactivité, le lâcher-prise, la pensée complexe, l’audace.
C’est ainsi que s’élargit le fossé entre conscience du VUCA et pesanteur du vécu.
Pourtant, comme le dit le Général Vincent Desportes, « aujourd’hui, diriger c’est sortir de sa zone de confort mais aussi accepter que notre quotidien soit de gérer l’incertitude ». On ne peut pas se réclamer d’un environnement VUCA et continuer à miser sur des dirigeants du fixe, des managers du stable et des collaborateurs poussés vers les certitudes et les solutions simples. Le seul moyen pour une entreprise, de développer son antifragilité est de s’imposer une obligation de résultats en commençant par animer une réunion de son Comex sur le thème : « Et si nous prenions le VUCA au sérieux ? ». Car tout commence par une ou des Question(s) de Management…
Martin RICHER, Président de Management & RSE
et Directeur de l’Executive Master Trajectoires Dirigeants de Sciences Po
Pour aller plus loin :
Ce court article est la contribution de Martin Richer publiée par la revue académique Question(s) de management, dans un dossier coordonné par Jean-Marie Peretti et Soufyane Frimousse sur le thème « Question(s) de fragilité(s) ». Ce dossier figure dans le No 43 de la revue, publié en avril 2023.
La question à laquelle il fallait répondre était : « Comment l’entreprise peut-elle développer son antifragilité face aux crises dans un contexte d’incertitude, de volatilité et de complexité croissante ? ». A cet effet, la revue reprenait la définition de l’antifragilité de Nassim Nicholas Taleb dans son livre Antifragile : « L’antifragilité est une propriété des systèmes qui se renforcent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, des chocs, de la volatilité, du bruit, des erreurs, des fautes, des attaques, ou des échecs… l’antifragilité est fondamentalement différente des concepts de résilience (la capacité à se remettre d’un échec) et de robustesse (la capacité de résister à l’échec) ».
Ref : « Question(s) de management » 2023/2, Numéro 43, pages 156 à 208 (ISSN 2262-7030), avril 2023
La contribution de Martin Richer se trouve page 201 du document (PDF) que vous pouvez télécharger ici. Ce document propose aussi les textes des autres contributeurs.
Vous pouvez aussi accéder au sommaire de ce No de Question(s) de management
Consultez cette interview de Martin Richer sur la formation des dirigeants dans un monde VUCA : « Être un dirigeant c’est savoir se repenser, se re-former »
Peut-on prévoir (et anticiper) dans un mode VUCA ? Cela requiert une autre approche de la prospective : « La prospective, ardente obligation du dirigeant »
Consacrez une heure de votre temps pour découvrir l’Executive Master Trajectoires Dirigeants de Sciences-Po et ce qu’il peut vous apporter. Nous organisons à cet effet une session interactive de présentation du Master le vendredi 20 octobre 2023 de 13h à 14h en visioconférence. Pour vous inscrire, c’est ici.
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