Améliorer les conditions de travail pour une RSE opérationnelle

[ Mise à jour : 7 décembre 2020 L’amélioration des conditions de travail est constitutive d’une RSE opérationnelle : elle lui donne chair. Elle permet d’incarner une démarche participative de progrès en mobilisant les parties prenantes internes (management intermédiaire, DRH, organisations syndicales,…) et externes (services de médecine du travail, Agences régionales de santé, Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail,…)

Les partenaires sociaux ne s’y sont pas trompés en paraphant l’accord national interprofessionnel (ANI) en date du 19 juin 2013, sur le le thème de la qualité de vie au travail. Cet accord n’est pas exempt de reproches mais il apporte des avancées essentielles, notamment sur la capacité d’expression des salariés sur leur travail (voir « Qualité de vie au travail : le vilain petit accord ? »). Point intéressant : dans son article 1, cet accord définit la qualité de vie au travail comme « l’un des éléments constitutifs d’une responsabilité sociale d’entreprise assumée ». 

Quelles sont alors les meilleures solutions pour améliorer les conditions de travail ? La fondation Terra Nova a mis à contribution une trentaine d’experts d’horizons divers, DRH, syndicalistes, universitaires, dirigeants d’entreprises, médecins du travail, qui ont abouti à un ensemble de 23 mesures, présentées et détaillées dans un rapport d’étape. Terra Nova a ensuite, en partenariat avec Miroir Social, enclenché une démarche de consultation participative, en incitant toutes les parties prenantes à contribuer au débat, à donner leur avis sur ces 23 mesures et à faire part de leurs propositions. Cette large consultation a rencontré un vif intérêt (plus de 10.000 personnes ont visité le forum d’échanges).

Cet article, à lire sur le site de Miroir Social, en tire les conclusions : « Agir sur la qualité du travail : premiers constats issus de la consultation participative ».

Pour en savoir plus sur la démarche et contribuer vous aussi à la consultation participative, cliquez ici : « Comment améliorer les conditions de travail ? Votre avis nous importe… » 

Pour télécharger le rapport de Terra Nova : Martin Richer (coord.), « Pour le progrès social et la compétitivité : Agir sur la qualité du travail »

J’ai eu l’occasion de revenir sur cette démarche et ses apports lors d’une interview à « Actuel HSE » (« Le droit d’expression, c’est de la prévention primaire », Actuel HSE, 5 septembre 2013) dont on trouvera ci-après l’essentiel.

Vous présidez le groupe de travail du think-tank Terra Nova sur la qualité de vie au travail. Pourquoi Terra Nova s’est-il saisi du sujet ?

C’est le résultat de trois facteurs. J’ai proposé à Terra Nova que l’on investisse davantage le champ du social au sens large, c’est-à-dire à la croisée entre les questions macroéconomiques et les problématiques sociétales. L’arrivée de François Chérèque à Terra Nova a contribué à cette orientation plus forte vers le social. Ensuite, il y a eu un constat : le sujet du travail, qui avait fortement été à l’ordre du jour au moment de ce que l’on a appelé la « crise des suicides » (2008-2009), a depuis disparu de la scène politique et médiatique, alors même que se lançait la négociation sur la qualité de vie au travail. La loi sur la sécurisation de l’emploi est dans ce sens révélatrice : on parle emploi mais le travail passe au second plan. Ce qui nous conduit au troisième facteur : c’est une erreur de penser que la question des conditions de travail viendrait jouer contre l’emploi. Le travail doit être au cœur de la problématique de la compétitivité, et il reste pourtant, y compris dans le rapport Gallois, dans l’angle mort.

En quoi les conditions de travail peuvent-elles être un facteur de compétitivité ? L’idée contraire semble plus répandue…

Dans la compétition internationale, un pays comme la France ne peut plus se battre uniquement sur les coûts. À l’exception du low-cost, la quasi-totalité des entreprises qui ont choisi de toujours baisser leurs coûts se retrouvent dans une spirale descendante et ne s’en relèvent pas. Pour être compétitifs vis-à-vis des clients, il y a alors deux autres solutions : la qualité qui va de pair avec l’innovation, et la réactivité. Dans les deux cas, il s’agit de miser sur l’engagement des travailleurs, sur leur créativité, sur leur capacité à résoudre eux-mêmes les problèmes (voir « Sommes-nous tous du capital humain ? »). Et pour cela, la qualité de vie au travail représente un atout déterminant.

Vous préférez parler de la « qualité du travail » au lieu de la « qualité de vie au travail ». Pourquoi ?

La qualité de vie au travail est un peu un « objet non identifié », qui recouvre deux définitions très contradictoires. D’un côté, il y a celle, soutenue par l’Anact, qui, à juste titre, veut sortir du toujours négatif centré uniquement sur les risques psychosociaux (RPS) et y intègre les environnements de travail, la conciliation vie pro/vie perso, la non-discrimination, etc. D’un autre côté, on constate le retour de l’approche sociétale de la souffrance au travail, c’est-à-dire un courant qui considère qu’on peut résoudre ce problème à coup de numéros verts, de séances de sophrologie, de crèches dans les locaux et en faisant son jardin sur le toit de l’entreprise. On pensait que tout le travail accompli par l’Anact, mais aussi par le ministère du Travail, avec le plan Darcos, etc., avait permis de sortir de cette tendance (voir « Qualité de vie au travail : un levier de transformation sociale »). Ce n’est pas le cas et il est pour nous hors de question de revenir 15 ans en arrière. Parler de « qualité du travail » permet d’éviter ce piège. Cela permet de réintégrer le travail et les conditions de sa réalisation au centre de la problématique.

À parler de la « qualité du travail », pour reprendre donc votre formule, ne risque-t-on pas d’occulter la question de la prévention des risques professionnels et des conditions de travail ?

Cela permet au contraire d’impliquer dans la discussion plus d’acteurs des conditions de travail. « Prévention des RPS » a une connotation trop médicalisée, trop tournée vers les psychologues plutôt que vers les managers, au sein de l’entreprise. De la même façon, si l’on parle de la « prévention des risques professionnels », on s’adresse à des ingénieurs, des préventeurs… et il est impossible de faire entrer le sujet dans la salle du comité de direction, alors que les dirigeants ont un rôle fort à jouer. Si vous parlez de « qualité de vie au travail », et à plus forte raison de « qualité du travail », ils écoutent, surtout si vous faites le lien avec la compétitivité. Nous l’avons bien vu avec le groupe de travail de  Terra Nova, qui a associé aussi bien des syndicalistes que des DRH et des dirigeants d’entreprise. Et je suis persuadé qu’avancer sur la qualité du travail permet d’avancer tout autant sur la question des risques professionnels.

Pouvez-vous développer cette idée du lien direct entre qualité du travail et prévention des risques professionnels ?

Sur les risques émergents, par exemple, il y a un élément essentiel dans l’accord QVT : les groupes de discussion ! (voir « L’expression des salariés au travail : 7 bonnes pratiques pour réussir ») Si, dans les années 1990, il y avait eu chez Valeo, par exemple, un espace de discussion sur ce qui est difficile dans le travail, la problématique des poussières d’amiante aurait surgi, j’en suis sûr. Aujourd’hui, dans les centrales nucléaires, la question de la maintenance émergerait sans doute. Je pense qu’en matière de prévention des risques professionnels, il y a des solutions – elles aussi émergentes – qui sont plus fondamentales que les fiches d’exposition. Les fiches d’exposition sont essentielles, mais on découvre le problème 20 ans plus tard, 20 ans trop tard. Ce problème de décalage entre l’exposition et les symptômes, on peut le résoudre en allant chercher la connaissance implicite des travailleurs. Ils savent, eux. Ou savent pointer le problème, en tout cas. Le droit d’expression, c’est de la prévention primaire.

Comment le mettre en place ?

Il suffit de donner la possibilité aux salariés de s’exprimer sur des questions aussi simples que « pourquoi le travail est difficile ? », « pourquoi n’arrive-t-on pas à travailler comme il faudrait ? » ou encore « qu’est-ce qu’un travail de qualité ? » (voir « Discuter du travail pour mieux le transformer »). C’est valable pour tous les types de risques.

Propos recueillis par Elodie Touret, Actuel HSE

Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises,
Management & RSE

Pour aller plus loin :

Lisez la suite de cet article : « La prévention des risques professionnels, levier de la RSE »

Crédit image : « L’ouvrière parisienne pendant la guerre », « Le Petit Journal », 26 novembre 1916

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