Éloge de la coopération : ce que nous dit Richard Sennett
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Mis à jour le 21/03/2023
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[ Mise à jour : 21 mars 2023 ] On gagne toujours à fréquenter les écrits du sociologue et historien Richard Sennett. Ils nous donnent une longueur d’avance sur ce qui nous attend. Son dernier livre ne fait pas exception.
Dans son ouvrage sans doute le plus célèbre en France, « Le travail sans qualités » (Albin Michel, 2000) Richard Sennett pointait déjà les effets délétères du « travail jetable » et de ce qui allait devenir la décennie de la précarisation du travail. Dans « La culture du nouveau capitalisme » (Albin Michel, 2007) paru en 2006 aux Etats-Unis, deux ans avant la chute de Lehman Brothers et ce qui allait s’en suivre, il nous alertait sur les conséquences de l’envahissement de la sphère sociale par les normes de la finance. Enfin, dans « Ce que sait la main – La culture de l’artisanat » (Albin Michel, 2010) il se livrait à une critique acérée du taylorisme et des effets néfastes engendrés par la séparation de la tête et de la main, des tâches de conception et d’exécution.
« Ensemble – Pour une éthique de la coopération », paru en 2014, toujours chez Albin Michel, est la poursuite de ce fil qui ne lâche jamais la thématique du travail mais s’autorise de multiples incursions.
Quelques irritations de lecteur
Débarrassons-nous d’abord des quelques irritants, qui accompagnent la lecture de cet ouvrage. Oui, il est touffu (384 pages), oui, il est rempli d’aller-retours, de chausse-trappes et de pirouettes. Sennett confirme qu’il est plus à l’aise dans le rôle du semeur que dans celui du laboureur. Mais ce jeu en vaut la chandelle, car la contrepartie, c’est l’une des pensées les plus holistiques que l’on puisse trouver sur le monde du travail.
Sennett, bien sûr, nous parle en sociologue et en historien, mais il fait aussi appel à l’économie, à la philosophie, à l’anthropologie, à la psychanalyse, aux sciences politiques et convoque même la peinture et la musique (son expérience de violoncelliste est mise au service de la coopération). Il n’y manque même pas la rubrique « people » puisqu’au détour d’un paragraphe, on apprend qu’il est l’époux de Saskia Sassen, l’auteur de « The Global City »… ce qui met en évidence les capacités d’attraction de l’urbanisme. D’abord un peu déroutante, l’approche systémique de ce dilettante érudit finit par séduire : on le suit volontiers dans ses grandes enjambées.
La coopération : indispensable mais empêchée
Pour Sennett, « notre société moderne n’honore pas le ‘bien faire’ comme elle le devrait ». Il touche ici une zone sensible chez nous, Français, à l’heure où nous constatons que seuls 23 % des salariés en France se sentent estimés au travail, contre 56 % en Allemagne. La France se situe à la moitié de la moyenne européenne, qui s’établit à 42%, et très en retrait de cultures aussi différentes que celles de la Grande-Bretagne, 38%, ou des Pays-Bas, 50%[1].
La coopération est « le fondement du développement humain » ; elle est même « inscrite dans nos gènes ». Sennett s’inscrit ici dans un courant important de l’anthropologie du travail, qui considère que travail et coopération sont indissociables. Je prétends pour ma part que si votre travail n’implique aucune coopération, aucune attention portée à ce qui vient avant ce que vous faîtes et ce qui viendra après, alors vous ne travaillez pas ; vous effectuez simplement une tâche.
L’homme au travail recherche naturellement la coopération car elle permet à chacun d’apporter une part de ses richesses à la communauté et de profiter des atouts de celle-ci. « On coopère pour accomplir ce que l’on ne peut faire seul, » nous dit Sennett. C’est d’ailleurs le fondement de sa définition : « On peut définir sèchement la coopération comme un échange dans lequel les participants bénéficient de la rencontre ». Elle n’est pas pour autant une relation aisée et harmonieuse car coopérer c’est « mettre en rapport des individus qui ont des intérêts différents, voire contradictoires, dans de bonnes dispositions les uns envers les autres, qui sont dans une relation d’inégalité, ou qui simplement ne se comprennent pas les uns les autres ».
Or, au même titre que, chez nous, Yves Clot montre que la qualité du travail est « empêchée » par l’organisation[2], cette dernière entrave l’éclosion de la coopération. Le défi des DRH comme des directions RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est donc de parvenir à dénouer cette crise de la coopération, en suivant par exemple, quelques pistes que je suggère (voir : « Travailler ensemble : pour une intelligence de la coopération »).
La division du travail, nous dit Sennett, est par essence non coopérative et enferme hommes et équipes dans l’isolement ou dans la concurrence. Vous avez dit concurrence, le terme maudit ? Pas du tout. Sennett ne se complaît pas dans la condamnation facile mais il s’intéresse à la dialectique entre coopération et concurrence. « Quiconque a pratiqué un sport d’équipe, passé des marchés ou élevé une nichée d’enfants sait que coopération mutuelle et compétition peuvent aller de pair ». Mais le monde du travail a dérivé vers une hypertrophie de la concurrence, qui dévore toute velléité de coopération. L’intérêt de la démarche de Sennett est dans cette recherche des voies d’un nouvel équilibre. Le livre n’y répond pas formellement mais trace des pistes fructueuses.
Le spectre de l’échange : une grille de lecture utile
L’une de ces pistes se poursuit par l’examen des « échanges auxquels se livrent tous les animaux sociaux, [qui] couvrent tout un spectre de comportements, de l’altruisme à la compétition acharnée ». Sennett divise le spectre de l’échange en cinq segments :
l’échange altruiste, qui implique l’abnégation ;
l’échange gagnant-gagnant, qui profite aux deux parties ;
l’échange différenciateur, dans lequel les deux parties prennent conscience de leurs différences ;
l’échange à somme nulle, où une partie l’emporte aux dépens de l’autre ; et
l’échange où le gagnant prend tout, où une partie écrase l’autre.
Et il précise que « l’équilibre entre coopération et compétition n’est nulle part meilleur et plus clair qu’au milieu du spectre ». Il veut en fait privilégier le gagnant-gagnant (vision du marché par Adam Smith : tout le monde a quelque chose à gagner) et l’échange différenciateur.
Ce dernier est quelque peu énigmatique et nécessite quelques précisions. L’échange différenciateur est mis en œuvre par les chimpanzés, qui marquent leur territoire et ajustent leurs frontières en fonction des réactions des autres, dans le but de minimiser la compétition agressive. « Chez les hommes, on le trouve dans les rencontres entre inconnus qui par la discussion font l’inventaire des différences, établissent un contact qui est aussi un stimulant pour la compréhension de soi ». L’échange différenciateur est le domaine de la dialogique, organisé par nos ancêtres par les cafés et les pubs, qui incitent les inconnus à se parler ou par les rituels, qui règlent la journée de travail dans les ateliers du Moyen-Age et des corporations. Sennett admet que ce type d’échange est très proche du gagnant-gagnant, sans parvenir à tracer une ligne de frontière.
Cette classification en cinq degrés n’est pas étrangère à la RSE, qui s’épanouit elle aussi sur les segments 2 et 3 en respectant les parties prenantes et l’équilibre des relations. A l’opposé, Sennett jette un regard sévère sur les projets qui s’effectuent sur les segments 4 et 5. C’est le cas, par exemple des restructurations lorsqu’elles ne sont pas respectueuses des impacts humains ou sont conduites d’abord et avant tout pour capter une part dominante de la valeur créée. En tuant toute possibilité de coopération, elles se retournent alors contre leur initiateur. Il en donne une illustration dans « Le travail sans qualités » : « Au début des années 90, l’AMA (American Management Association) et Wyatt Companies ont étudié des entreprises qui avaient procédé à des sévères opérations de dégraissage. L’AMA a constaté que des compressions de personnel répétées se soldent par des ‘profits moindres et un déclin de la productivité du travail’. De même, l’étude de Wyatt a conclu que ‘moins de la moitié des sociétés ont atteint leurs objectifs de réduction de leurs frais ; moins d’un tiers ont amélioré leur rentabilité’ et moins d’un quart ont accru leur productivité »[3].
La responsabilité du management
On comprend alors que le management (dont Sennett ne nous dit rien en tant que tel) a une responsabilité majeure, celle d’offrir un environnement de travail qui facilite cette dialectique entre compétition et coopération. Je suis convaincu que les entreprises de demain, irriguées par la vague numérique, valoriseront fortement cette compétence managériale qu’est la capacité à créer des environnements de travail propices à la coopération et à la qualité de vie au travail (voir : « Démarches QVT : la nécessaire refondation du rôle du manager de proximité »).
Ce besoin de coopération est souvent porté, dans les entreprises, par
la direction de la RSE, car la responsabilité sociétale ne peut s’épanouir sans transcender les silos organisationnels et par
la DRH, car la performance des « ressources humaines » ne peut plus se cantonner à celle d’une collection d’individus ; elle est de plus en plus collective (voir : « Sommes-nous tous du capital humain ? »).
Il y a donc, bien sûr, une réflexion à mener sur l’organisation et les process (ex : l’évaluation et la reconnaissance) mais aussi sur la sociabilité. Ainsi par exemple, Sennett insiste beaucoup sur « les moments ritualisés qui célèbrent les différences entre membres d’une communauté, qui affirment la valeur distinctive de chacun, peuvent diminuer l’acide de la comparaison envieuse et promouvoir la coopération ».
Je conteste au passage, la mode actuelle chez nos éditeurs, de s’affranchir immodestement du titre original des œuvres qu’ils publient, pratique importée du cinéma. Ce n’est sans doute pas un hasard si Sennett avait voulu intégrer dans son titre (« Together – The Rituals, Pleasures and Politics of Cooperation ») la sainte trinité des solutions apportées pour soigner la coopération : les rituels, le plaisir et les politiques. Pourquoi avoir choisi, pour la version française, de niveler ces reliefs par ce mot valise désincarné d’ ‘éthique’ ?
Sennett privilégie les relations informelles au travail et le respect professionnel, si bien que pour lui, un manager est forcément « sorti du rang » ou en tout cas, pratiquant du métier. « Les discussions informelles [entre chefs et employés] peuvent devenir des rituels liants. (…) Elles peuvent paraître triviales, comme lorsqu’il s’agit de savoir quand graisser une machine. Mais si un atelier est organisé en sorte que les échanges de cette espèce soient réguliers, les gens concernés se savent pris au sérieux. (…) C’était le cas quand au cours de la pause-café contremaîtres et machinistes discutaient des marques de lubrifiants industriels, des joints ou des protections les meilleures pour les machines. Ici aussi, les contremaîtres qui écoutaient et prenaient des notes gagnaient leur autorité ».
Sennett n’aborde pas véritablement la question du management alors que ce dernier, organisateur du travail collectif, est directement exposé aux risques mis en évidence. Par exemple, en prolongeant les réflexions esquissées dans l’un de ses livres précédents, « La culture du nouveau capitalisme », Sennett souligne les évolutions néfastes au sein du spectre de l’échange présenté ci-dessus : « l’explosion récente des inégalités est le signe d’un virage de la compétition à somme nulle vers l’extrême du gagnant-rafle-tout ; le capitalisme devient un grand prédateur ». Les architectes des « business models » des startups ne démentiront pas cette assertion, qui rappelle le « winner-takes-all » cher aux Microsoft, Google et autres géants du numérique. Plus largement, lorsque les inégalités enflent, les forces de dissemblance l’emportent, les collaborateurs ne ressentent plus d’incitation à coopérer, à tisser du lien et créer du bien commun : « nous perdons alors la compétence de la coopération nécessaire au fonctionnement d’une société complexe ».
Cette notion de complexité me semble fondamentale. Je la vois monter dans la littérature managériale américaine, notamment chez les consultants en stratégie. Par exemple, l’Institute for Business Value d’IBM mesure auprès des dirigeants du monde entier ce qu’ils appellent le « complexity gap ». Celui-ci résulte de la différence entre la proportion des dirigeants des grandes entreprise qui prévoient un accroissement important de la complexité (79%) et celle de ceux qui se sentent prêts à y faire face (49% seulement, soit un « complexity gap » de 30 points). Ils observent que ce gap ne cesse de s’élargir et atteint des niveaux sans précédents.
J’y vois un signe concret de la crise de la coopération pointée par Sennett. Les problèmes des clients sont de plus en plus complexes si bien qu’une solution ne peut être apportée que par la coopération des individus, l’hybridation des savoir-faire, l’échange collectif. La montée du « complexity gap » reflète l’incapacité du management à créer les conditions d’une coopération efficace. De notre côté de l’Atlantique, c’est sans doute Edgar Morin qui l’a le mieux perçu : « La solidarité vécue est la seule chose qui permette l’accroissement de complexité. Finalement, les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont les ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises »[4].
Dans cette perspective, Sennett propose un angle d’analyse qui ravira ceux qui s’intéressent aux relations professionnelles, le triangle social. Il est difficile de résumer en quelques lignes cette approche, construite par Sennett alors « jeune sociologue dans les années 70 à Boston, en interrogeant des familles américaines blanches de la classe ouvrière ». Les relations informelles tissées par les travailleurs manuels « consistaient en trois éléments formant un triangle social. Sur un côté, les ouvriers accordaient un respect réticent aux patrons corrects, qui à leur tour respectaient à contrecœur les employés fiables. Sur un deuxième côté, les ouvriers parlaient librement des problèmes mutuels significatifs, et, au travail, couvraient leurs collègues qui avaient des soucis – gueule de bois ou divorce. Le troisième côté était celui des gens au boulot, effectuant des heures supplémentaires ou le travail des autres, quand quelque chose clochait dans l’atelier. Les trois côtés du triangle social étaient l’autorité acquise, le respect mutuel et la coopération au cours d’une crise ».
Et Sennett de conclure : « Que ce soit à l’usine ou au bureau, un triangle social de ce type ne transforme pas le travail en Paradis mais il fait du travail autre chose qu’une expérience sans âme ; il fait contrepoids à l’isolement formel. Ce genre de triangle social crée la civilité dans un atelier ; une civilité entre travailleurs et patrons ». On retrouve ici l’acuité du regard du sociologue du travail, qui fait tout l’intérêt de la démarche de Sennett. Et on se dit que bien des entreprises, au lieu d’enchaîner les « questionnaires stress », les « diagnostics risques psychosociaux » et maintenant les « baromètres d’engagement », feraient mieux de veiller à la qualité de leur triangle social !
L’avenir du syndicalisme : réhabilitation du travail
J’ai aimé que Sennett mette sur le devant de la scène un personnage, Robert Owen, presque inconnu en France alors qu’il fut l’un des fondateurs du mouvement coopératif et plus largement de la social-démocratie britannique puis européenne. En 1817, il lança le mot d’ordre : « 8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de sommeil », qui devint ensuite le slogan de la 1ère Internationale et du mouvement ouvrier français. Contrairement aux penseurs du socialisme en France, Owen était un entrepreneur. Il voulait faire la révolution d’abord dans son entreprise. En ce temps-là, et de ce côté de la Manche, les socialistes n’avaient pas besoin de courir les estrades pour proclamer leur amour de l’entreprise. Ils étaient entrepreneurs.
En 1844, Owen formula une série de principes, les Principes de Rochdale, qui allaient servir de point de ralliement à une partie importante de la gauche européenne. Sennett rappelle ces principes, qui sont au nombre de six :
porte ouverte à tout le monde (égalité d’emploi) ;
un homme, une voix (démocratie sur le lieu de travail) ;
distribution de l’excédent commercial (partage du profit) ;
commerce en espèces (il avait horreur de la « dette abstraite » et aurait évité la carte de crédit moderne) ;
neutralité politique et religieuse (et donc, tolérance des différences au travail) ;
promotion de l’éducation (formation professionnelle liée à l’emploi).
On peut suivre Sennett lorsqu’il indique que « la version owenienne du socialisme qui se construit à la base, dans l’atelier, devint un texte fondateur de la social-démocratie ». Mais le mouvement syndical pourra-t-il y puiser la sève d’un renouveau ? C’est plus difficile à croire même si, effectivement, « quand nous réfléchissons, de nos jours aux droits de la main d’œuvre, nous revenons généralement à l’un ou l’autre de ces principes ».
Une autre piste proposée par Sennett au mouvement syndical tient dans la réhabilitation du travail, dans le droit fil des constats présentés par « Ce que sait la main ». Il n’y a pas de coopération sans identité professionnelle partagée, nous explique-t-il, sans respect de la belle ouvrage. Dans une interview au quotidien « Libération », il dit à Cécile Daumas que pour appliquer réellement cette notion de coopération, « une des priorités serait de repenser le rôle des organismes intermédiaires, notamment celui des syndicats. Débureaucratiser ces organisations et élargir leur rôle, au-delà des aspects purement quantitatifs : ils pourraient travailler davantage sur les questions de santé, de bien-être et, surtout, de reconnaissance par l’entreprise de la qualité du travail effectué. Il s’agirait alors de créer des structures résistantes et créatrices de relations sociales »[5]. A en juger par les réactions de plusieurs organisations syndicales qui se réapproprient la thématique du travail pour y forger une légitimité renforcée, il semblerait que Sennett ait été entendu (voir : « Oui, les syndicats sont utiles ! »).
Une fois encore, Sennett arrive au bon moment. Ce qu’il nous invite à construire n’est rien de moins qu’une intelligence de la coopération, c’est-à-dire un environnement de travail destiné à créer les conditions de la coopération au sein des organisations et un mode de management qui valorise les compétences de la coopération. Ces dernières sont l’empathie, la capacité à créer un climat bienveillant et confiant, à écouter, à solliciter la contribution de chacun, engager un dialogue, négocier, inspirer et donner envie d’atteindre ensemble des objectifs. La coopération se révèle déterminante pour aménager les articulations entre les quatre boucles de dialogue qui déterminent la régulation des organisations (voir : « La crise du travail est une crise de la régulation »).
Cette intelligence de la coopération est essentielle pour concilier compétitivité et qualité de vie au travail. Il est alarmant de constater que ce sont plutôt des entreprises américaines qui réussissent cette alchimie (voir : « Managers, construisez votre dream team : l’expérience de Google »). Cette approche de la coopération suppose la recherche d’une réussite partagée, une symétrie des contributions, des rituels de collaboration. Nous n’imaginons sans doute pas le potentiel de créativité, d’innovation et de développement que cette intelligence de la coopération pourrait offrir à nos organisations…
Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises Management & RSE
Pour aller plus loin :
Une bibliographie sélective de Richard Sennett :
« Together – The Rituals, Pleasures and Politics of Cooperation », Yale University Press, 2012 (« Ensemble – Pour une éthique de la coopération », Albin Michel, janvier 2014)
« The Craftsman », Allen Lane, 2008 (« Ce que sait la main – La culture de l’artisanat », Albin Michel, 2010)
Ces deux derniers ouvrages font partie d’une trilogie consacrée à l’«Homo faber », qui s’achèvera dans un troisième tome à venir sur la manière dont ces deux « savoir-faire » – le geste artisanal et la coopération – pourraient se conjuguer pour dessiner la ville de demain…
« The Culture of the New Capitalism », Yale University Press, 2006 (« La culture du nouveau capitalisme », Albin Michel, 2007)
« The Corrosion of Character – The Personal Consequences Of Work In the New Capitalism », Norton, 1998 (« Le travail sans qualités ; Les conséquences humaines de la flexibilité », Albin Michel, 2000)
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[1] Source : Étude « Evolution of Work 2.0 » d’ADP, publiée en septembre 2017
[2] Voir Yves Clot, « Le travail à cœur — Pour en finir avec les risques psychosociaux », « La Découverte », mai 2010
[3] Richard Sennett, « Le travail sans qualités », Albin Michel, 2000
[4] Edgar Morin, « Introduction à la pensée complexe », ESF éditeur, 1990
Éloge de la coopération : ce que nous dit Richard Sennett
[ Mise à jour : 21 mars 2023 ] On gagne toujours à fréquenter les écrits du sociologue et historien Richard Sennett. Ils nous donnent une longueur d’avance sur ce qui nous attend. Son dernier livre ne fait pas exception.
Dans son ouvrage sans doute le plus célèbre en France, « Le travail sans qualités » (Albin Michel, 2000) Richard Sennett pointait déjà les effets délétères du « travail jetable » et de ce qui allait devenir la décennie de la précarisation du travail. Dans « La culture du nouveau capitalisme » (Albin Michel, 2007) paru en 2006 aux Etats-Unis, deux ans avant la chute de Lehman Brothers et ce qui allait s’en suivre, il nous alertait sur les conséquences de l’envahissement de la sphère sociale par les normes de la finance. Enfin, dans « Ce que sait la main – La culture de l’artisanat » (Albin Michel, 2010) il se livrait à une critique acérée du taylorisme et des effets néfastes engendrés par la séparation de la tête et de la main, des tâches de conception et d’exécution.
« Ensemble – Pour une éthique de la coopération », paru en 2014, toujours chez Albin Michel, est la poursuite de ce fil qui ne lâche jamais la thématique du travail mais s’autorise de multiples incursions.
Quelques irritations de lecteur
Débarrassons-nous d’abord des quelques irritants, qui accompagnent la lecture de cet ouvrage. Oui, il est touffu (384 pages), oui, il est rempli d’aller-retours, de chausse-trappes et de pirouettes. Sennett confirme qu’il est plus à l’aise dans le rôle du semeur que dans celui du laboureur. Mais ce jeu en vaut la chandelle, car la contrepartie, c’est l’une des pensées les plus holistiques que l’on puisse trouver sur le monde du travail.
Sennett, bien sûr, nous parle en sociologue et en historien, mais il fait aussi appel à l’économie, à la philosophie, à l’anthropologie, à la psychanalyse, aux sciences politiques et convoque même la peinture et la musique (son expérience de violoncelliste est mise au service de la coopération). Il n’y manque même pas la rubrique « people » puisqu’au détour d’un paragraphe, on apprend qu’il est l’époux de Saskia Sassen, l’auteur de « The Global City »… ce qui met en évidence les capacités d’attraction de l’urbanisme. D’abord un peu déroutante, l’approche systémique de ce dilettante érudit finit par séduire : on le suit volontiers dans ses grandes enjambées.
La coopération : indispensable mais empêchée
Pour Sennett, « notre société moderne n’honore pas le ‘bien faire’ comme elle le devrait ». Il touche ici une zone sensible chez nous, Français, à l’heure où nous constatons que seuls 23 % des salariés en France se sentent estimés au travail, contre 56 % en Allemagne. La France se situe à la moitié de la moyenne européenne, qui s’établit à 42%, et très en retrait de cultures aussi différentes que celles de la Grande-Bretagne, 38%, ou des Pays-Bas, 50%[1].
La coopération est « le fondement du développement humain » ; elle est même « inscrite dans nos gènes ». Sennett s’inscrit ici dans un courant important de l’anthropologie du travail, qui considère que travail et coopération sont indissociables. Je prétends pour ma part que si votre travail n’implique aucune coopération, aucune attention portée à ce qui vient avant ce que vous faîtes et ce qui viendra après, alors vous ne travaillez pas ; vous effectuez simplement une tâche.
L’homme au travail recherche naturellement la coopération car elle permet à chacun d’apporter une part de ses richesses à la communauté et de profiter des atouts de celle-ci. « On coopère pour accomplir ce que l’on ne peut faire seul, » nous dit Sennett. C’est d’ailleurs le fondement de sa définition : « On peut définir sèchement la coopération comme un échange dans lequel les participants bénéficient de la rencontre ». Elle n’est pas pour autant une relation aisée et harmonieuse car coopérer c’est « mettre en rapport des individus qui ont des intérêts différents, voire contradictoires, dans de bonnes dispositions les uns envers les autres, qui sont dans une relation d’inégalité, ou qui simplement ne se comprennent pas les uns les autres ».
Or, au même titre que, chez nous, Yves Clot montre que la qualité du travail est « empêchée » par l’organisation[2], cette dernière entrave l’éclosion de la coopération. Le défi des DRH comme des directions RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est donc de parvenir à dénouer cette crise de la coopération, en suivant par exemple, quelques pistes que je suggère (voir : « Travailler ensemble : pour une intelligence de la coopération »).
La division du travail, nous dit Sennett, est par essence non coopérative et enferme hommes et équipes dans l’isolement ou dans la concurrence. Vous avez dit concurrence, le terme maudit ? Pas du tout. Sennett ne se complaît pas dans la condamnation facile mais il s’intéresse à la dialectique entre coopération et concurrence. « Quiconque a pratiqué un sport d’équipe, passé des marchés ou élevé une nichée d’enfants sait que coopération mutuelle et compétition peuvent aller de pair ». Mais le monde du travail a dérivé vers une hypertrophie de la concurrence, qui dévore toute velléité de coopération. L’intérêt de la démarche de Sennett est dans cette recherche des voies d’un nouvel équilibre. Le livre n’y répond pas formellement mais trace des pistes fructueuses.
Le spectre de l’échange : une grille de lecture utile
L’une de ces pistes se poursuit par l’examen des « échanges auxquels se livrent tous les animaux sociaux, [qui] couvrent tout un spectre de comportements, de l’altruisme à la compétition acharnée ». Sennett divise le spectre de l’échange en cinq segments :
Et il précise que « l’équilibre entre coopération et compétition n’est nulle part meilleur et plus clair qu’au milieu du spectre ». Il veut en fait privilégier le gagnant-gagnant (vision du marché par Adam Smith : tout le monde a quelque chose à gagner) et l’échange différenciateur.
Ce dernier est quelque peu énigmatique et nécessite quelques précisions. L’échange différenciateur est mis en œuvre par les chimpanzés, qui marquent leur territoire et ajustent leurs frontières en fonction des réactions des autres, dans le but de minimiser la compétition agressive. « Chez les hommes, on le trouve dans les rencontres entre inconnus qui par la discussion font l’inventaire des différences, établissent un contact qui est aussi un stimulant pour la compréhension de soi ». L’échange différenciateur est le domaine de la dialogique, organisé par nos ancêtres par les cafés et les pubs, qui incitent les inconnus à se parler ou par les rituels, qui règlent la journée de travail dans les ateliers du Moyen-Age et des corporations. Sennett admet que ce type d’échange est très proche du gagnant-gagnant, sans parvenir à tracer une ligne de frontière.
Cette classification en cinq degrés n’est pas étrangère à la RSE, qui s’épanouit elle aussi sur les segments 2 et 3 en respectant les parties prenantes et l’équilibre des relations. A l’opposé, Sennett jette un regard sévère sur les projets qui s’effectuent sur les segments 4 et 5. C’est le cas, par exemple des restructurations lorsqu’elles ne sont pas respectueuses des impacts humains ou sont conduites d’abord et avant tout pour capter une part dominante de la valeur créée. En tuant toute possibilité de coopération, elles se retournent alors contre leur initiateur. Il en donne une illustration dans « Le travail sans qualités » : « Au début des années 90, l’AMA (American Management Association) et Wyatt Companies ont étudié des entreprises qui avaient procédé à des sévères opérations de dégraissage. L’AMA a constaté que des compressions de personnel répétées se soldent par des ‘profits moindres et un déclin de la productivité du travail’. De même, l’étude de Wyatt a conclu que ‘moins de la moitié des sociétés ont atteint leurs objectifs de réduction de leurs frais ; moins d’un tiers ont amélioré leur rentabilité’ et moins d’un quart ont accru leur productivité »[3].
La responsabilité du management
On comprend alors que le management (dont Sennett ne nous dit rien en tant que tel) a une responsabilité majeure, celle d’offrir un environnement de travail qui facilite cette dialectique entre compétition et coopération. Je suis convaincu que les entreprises de demain, irriguées par la vague numérique, valoriseront fortement cette compétence managériale qu’est la capacité à créer des environnements de travail propices à la coopération et à la qualité de vie au travail (voir : « Démarches QVT : la nécessaire refondation du rôle du manager de proximité »).
Ce besoin de coopération est souvent porté, dans les entreprises, par
Il y a donc, bien sûr, une réflexion à mener sur l’organisation et les process (ex : l’évaluation et la reconnaissance) mais aussi sur la sociabilité. Ainsi par exemple, Sennett insiste beaucoup sur « les moments ritualisés qui célèbrent les différences entre membres d’une communauté, qui affirment la valeur distinctive de chacun, peuvent diminuer l’acide de la comparaison envieuse et promouvoir la coopération ».
Je conteste au passage, la mode actuelle chez nos éditeurs, de s’affranchir immodestement du titre original des œuvres qu’ils publient, pratique importée du cinéma. Ce n’est sans doute pas un hasard si Sennett avait voulu intégrer dans son titre (« Together – The Rituals, Pleasures and Politics of Cooperation ») la sainte trinité des solutions apportées pour soigner la coopération : les rituels, le plaisir et les politiques. Pourquoi avoir choisi, pour la version française, de niveler ces reliefs par ce mot valise désincarné d’ ‘éthique’ ?
Sennett privilégie les relations informelles au travail et le respect professionnel, si bien que pour lui, un manager est forcément « sorti du rang » ou en tout cas, pratiquant du métier. « Les discussions informelles [entre chefs et employés] peuvent devenir des rituels liants. (…) Elles peuvent paraître triviales, comme lorsqu’il s’agit de savoir quand graisser une machine. Mais si un atelier est organisé en sorte que les échanges de cette espèce soient réguliers, les gens concernés se savent pris au sérieux. (…) C’était le cas quand au cours de la pause-café contremaîtres et machinistes discutaient des marques de lubrifiants industriels, des joints ou des protections les meilleures pour les machines. Ici aussi, les contremaîtres qui écoutaient et prenaient des notes gagnaient leur autorité ».
Sennett n’aborde pas véritablement la question du management alors que ce dernier, organisateur du travail collectif, est directement exposé aux risques mis en évidence. Par exemple, en prolongeant les réflexions esquissées dans l’un de ses livres précédents, « La culture du nouveau capitalisme », Sennett souligne les évolutions néfastes au sein du spectre de l’échange présenté ci-dessus : « l’explosion récente des inégalités est le signe d’un virage de la compétition à somme nulle vers l’extrême du gagnant-rafle-tout ; le capitalisme devient un grand prédateur ». Les architectes des « business models » des startups ne démentiront pas cette assertion, qui rappelle le « winner-takes-all » cher aux Microsoft, Google et autres géants du numérique. Plus largement, lorsque les inégalités enflent, les forces de dissemblance l’emportent, les collaborateurs ne ressentent plus d’incitation à coopérer, à tisser du lien et créer du bien commun : « nous perdons alors la compétence de la coopération nécessaire au fonctionnement d’une société complexe ».
Cette notion de complexité me semble fondamentale. Je la vois monter dans la littérature managériale américaine, notamment chez les consultants en stratégie. Par exemple, l’Institute for Business Value d’IBM mesure auprès des dirigeants du monde entier ce qu’ils appellent le « complexity gap ». Celui-ci résulte de la différence entre la proportion des dirigeants des grandes entreprise qui prévoient un accroissement important de la complexité (79%) et celle de ceux qui se sentent prêts à y faire face (49% seulement, soit un « complexity gap » de 30 points). Ils observent que ce gap ne cesse de s’élargir et atteint des niveaux sans précédents.
J’y vois un signe concret de la crise de la coopération pointée par Sennett. Les problèmes des clients sont de plus en plus complexes si bien qu’une solution ne peut être apportée que par la coopération des individus, l’hybridation des savoir-faire, l’échange collectif. La montée du « complexity gap » reflète l’incapacité du management à créer les conditions d’une coopération efficace. De notre côté de l’Atlantique, c’est sans doute Edgar Morin qui l’a le mieux perçu : « La solidarité vécue est la seule chose qui permette l’accroissement de complexité. Finalement, les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont les ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises »[4].
Dans cette perspective, Sennett propose un angle d’analyse qui ravira ceux qui s’intéressent aux relations professionnelles, le triangle social. Il est difficile de résumer en quelques lignes cette approche, construite par Sennett alors « jeune sociologue dans les années 70 à Boston, en interrogeant des familles américaines blanches de la classe ouvrière ». Les relations informelles tissées par les travailleurs manuels « consistaient en trois éléments formant un triangle social. Sur un côté, les ouvriers accordaient un respect réticent aux patrons corrects, qui à leur tour respectaient à contrecœur les employés fiables. Sur un deuxième côté, les ouvriers parlaient librement des problèmes mutuels significatifs, et, au travail, couvraient leurs collègues qui avaient des soucis – gueule de bois ou divorce. Le troisième côté était celui des gens au boulot, effectuant des heures supplémentaires ou le travail des autres, quand quelque chose clochait dans l’atelier. Les trois côtés du triangle social étaient l’autorité acquise, le respect mutuel et la coopération au cours d’une crise ».
Et Sennett de conclure : « Que ce soit à l’usine ou au bureau, un triangle social de ce type ne transforme pas le travail en Paradis mais il fait du travail autre chose qu’une expérience sans âme ; il fait contrepoids à l’isolement formel. Ce genre de triangle social crée la civilité dans un atelier ; une civilité entre travailleurs et patrons ». On retrouve ici l’acuité du regard du sociologue du travail, qui fait tout l’intérêt de la démarche de Sennett. Et on se dit que bien des entreprises, au lieu d’enchaîner les « questionnaires stress », les « diagnostics risques psychosociaux » et maintenant les « baromètres d’engagement », feraient mieux de veiller à la qualité de leur triangle social !
L’avenir du syndicalisme : réhabilitation du travail
J’ai aimé que Sennett mette sur le devant de la scène un personnage, Robert Owen, presque inconnu en France alors qu’il fut l’un des fondateurs du mouvement coopératif et plus largement de la social-démocratie britannique puis européenne. En 1817, il lança le mot d’ordre : « 8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de sommeil », qui devint ensuite le slogan de la 1ère Internationale et du mouvement ouvrier français. Contrairement aux penseurs du socialisme en France, Owen était un entrepreneur. Il voulait faire la révolution d’abord dans son entreprise. En ce temps-là, et de ce côté de la Manche, les socialistes n’avaient pas besoin de courir les estrades pour proclamer leur amour de l’entreprise. Ils étaient entrepreneurs.
En 1844, Owen formula une série de principes, les Principes de Rochdale, qui allaient servir de point de ralliement à une partie importante de la gauche européenne. Sennett rappelle ces principes, qui sont au nombre de six :
On peut suivre Sennett lorsqu’il indique que « la version owenienne du socialisme qui se construit à la base, dans l’atelier, devint un texte fondateur de la social-démocratie ». Mais le mouvement syndical pourra-t-il y puiser la sève d’un renouveau ? C’est plus difficile à croire même si, effectivement, « quand nous réfléchissons, de nos jours aux droits de la main d’œuvre, nous revenons généralement à l’un ou l’autre de ces principes ».
Une autre piste proposée par Sennett au mouvement syndical tient dans la réhabilitation du travail, dans le droit fil des constats présentés par « Ce que sait la main ». Il n’y a pas de coopération sans identité professionnelle partagée, nous explique-t-il, sans respect de la belle ouvrage. Dans une interview au quotidien « Libération », il dit à Cécile Daumas que pour appliquer réellement cette notion de coopération, « une des priorités serait de repenser le rôle des organismes intermédiaires, notamment celui des syndicats. Débureaucratiser ces organisations et élargir leur rôle, au-delà des aspects purement quantitatifs : ils pourraient travailler davantage sur les questions de santé, de bien-être et, surtout, de reconnaissance par l’entreprise de la qualité du travail effectué. Il s’agirait alors de créer des structures résistantes et créatrices de relations sociales »[5]. A en juger par les réactions de plusieurs organisations syndicales qui se réapproprient la thématique du travail pour y forger une légitimité renforcée, il semblerait que Sennett ait été entendu (voir : « Oui, les syndicats sont utiles ! »).
Sur la base de ce constat, il reste à convaincre les organisations syndicales et patronales à s’engager plus résolument sur la voie prometteuse de l’expression directe des salariés au travail (voir : « L’expression des salariés au travail : 7 bonnes pratiques pour réussir »).
Conclusion
Une fois encore, Sennett arrive au bon moment. Ce qu’il nous invite à construire n’est rien de moins qu’une intelligence de la coopération, c’est-à-dire un environnement de travail destiné à créer les conditions de la coopération au sein des organisations et un mode de management qui valorise les compétences de la coopération. Ces dernières sont l’empathie, la capacité à créer un climat bienveillant et confiant, à écouter, à solliciter la contribution de chacun, engager un dialogue, négocier, inspirer et donner envie d’atteindre ensemble des objectifs. La coopération se révèle déterminante pour aménager les articulations entre les quatre boucles de dialogue qui déterminent la régulation des organisations (voir : « La crise du travail est une crise de la régulation »).
Cette intelligence de la coopération est essentielle pour concilier compétitivité et qualité de vie au travail. Il est alarmant de constater que ce sont plutôt des entreprises américaines qui réussissent cette alchimie (voir : « Managers, construisez votre dream team : l’expérience de Google »). Cette approche de la coopération suppose la recherche d’une réussite partagée, une symétrie des contributions, des rituels de collaboration. Nous n’imaginons sans doute pas le potentiel de créativité, d’innovation et de développement que cette intelligence de la coopération pourrait offrir à nos organisations…
Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises
Management & RSE
Pour aller plus loin :
Une bibliographie sélective de Richard Sennett :
Ces deux derniers ouvrages font partie d’une trilogie consacrée à l’«Homo faber », qui s’achèvera dans un troisième tome à venir sur la manière dont ces deux « savoir-faire » – le geste artisanal et la coopération – pourraient se conjuguer pour dessiner la ville de demain…
Cet article a fait l’objet d’une publication préliminaire dans Metis sous le titre « Travailler ensemble : ce que nous dit Richard Sennett ».
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[1] Source : Étude « Evolution of Work 2.0 » d’ADP, publiée en septembre 2017
[2] Voir Yves Clot, « Le travail à cœur — Pour en finir avec les risques psychosociaux », « La Découverte », mai 2010
[3] Richard Sennett, « Le travail sans qualités », Albin Michel, 2000
[4] Edgar Morin, « Introduction à la pensée complexe », ESF éditeur, 1990
[5] « Libération » du 31 janvier 2014
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