Qui a peur des « sustainable natives » ?

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Les « sustainable natives » forment une génération sans parapluie, sans planète B…

[ Mise à jour : 18 décembre 2019 ]  Vous pensiez avoir tout vu en pratiquant dans votre entreprise les joies de l’intégration de la génération « digital natives », ces jeunes nés entre 1980 et le milieu ou la fin des années 1990, également appelée Y ou Millennials ? La vague suivante est bien plus haute. C’est celle des « sustainable natives ».

Les générations se forgent dans les chutes. Le terme de génération Y désigne des jeunes qui ont grandi dans le contexte géopolitique postérieur à la chute du mur de Berlin (1989). La génération des « sustainable natives », qui lui succède (jeunes nés après le tournant de 2000), s’est ouverte par la chute des Twin Towers (2001), puis celle de Lehman Brothers (2008). Elle a grandi dans la menace d’un effondrement, celui annoncé par le biologiste et historien américain Jared Diamond dans son livre « Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », paru en 2005. Elle entre aujourd’hui dans l’enseignement supérieur et va bientôt toquer aux portes de votre service recrutement.

Plus encore que les Y, ces jeunes sont des consom’acteurs. Ils considèrent l’acte d’achat comme une action citoyenne, qui engage leurs valeurs. Ils manifestent une relation intime avec les réseaux sociaux, une soif d’autonomie, une familiarité avec le smartphone (leur objet transitionnel), une forte attraction pour les jeux en ligne : tous ces facteurs vont mettre en tension votre management d’aujourd’hui[1].

La proportion de ces jeunes qui jugent que l’utilité sociale de leur travail est un aspect très important (29%), est désormais supérieure au poids d’importance du niveau de rémunération (28%).

Cette génération des « sustainable natives » est aussi marquée par une très forte sensibilité aux questions environnementales (climat, biodiversité) et sociétales (exclusion, inégalités). Elle est taraudée par la conscience aiguë de la nécessité de changer et de contribuer aux enjeux qui entourent l’entreprise. L’enquête récente effectuée par le Céreq[2] pour l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire sur 23.000 jeunes sortis du système éducatif en 2012-2013 (âge médian 21 ans) permet de distinguer les facteurs de choix qu’ils valorisent le plus vis-à-vis de leur travail (actuel ou futur). La proportion de ces jeunes qui jugent que l’utilité sociale de leur travail est un aspect très important (29%), est désormais supérieure au poids d’importance du niveau de rémunération (28%). Cet écart s’accroît avec le niveau de diplôme et représente 32% (utilité sociale) contre 26% (rémunération) pour les jeunes qui sortent de l’enseignement supérieur. Il faut donc se préparer à jeter les grilles de salaires et confectionner des échelles d’engagement !

Ces jeunes refusent obstinément de transmettre une planète dégradée[3]. Ils ne perdent pas leur temps à questionner comme leurs aînés la réalité du changement climatique ou de la responsabilité humaine ; ils exigent que des décisions crédibles soient prises[4]. Ils sont prêts à s’engager pour cela (manifeste pour un réveil écologique, grève scolaire pour le climat). Ils suivent Marshall McLuhan, qui disait : « There are no passengers on spaceship earth. We are all crew« [5]. En d’autres termes, il n’y a pas de planète B.

Alors que les Y souhaitaient que leur entreprise s’engage pour contribuer à la résolution des défis sociétaux et environnementaux, les « sustainable natives » veulent que de surcroît, elle facilite leur participation personnelle – d’où l’intérêt du mécénat de compétences[6]. Selon une étude de l’agence Fuse (juin 2018), 68% des « sustainable natives » américains estiment qu’il est de la responsabilité des entreprises de résoudre les grands problèmes de société et 62% se disent plus susceptibles d’acheter les produits d’une marque qui communique sur ses engagements. Mais seulement 28% d’entre eux pensent que l’impact positif des marques est suffisant.

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » – Einstein

Nous avons dans nos entreprises les outils (juridiques, organisationnels, managériaux) nécessaires : politique RSE, management agile, intrapreneuriat, mécénat, raison d’être, société à mission. Sachons les mettre en œuvre pour accueillir les « sustainable natives », les écouter et les aider à agir ! Car comme disait Einstein, « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».

Pour aller plus loin :

« Monde du travail : comment manager la génération Y »

Cet article est une version augmentée d’une chronique de Martin Richer publiée par l’hebdomadaire Entreprise & Carrières dans son n° 1445. Pour lire cette chronique en format PDF, cliquez ici

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Crédit image : « Aller à l’école », 1878, huile sur toile par Pierre Edouard Frère (1819 – 1886), peintre, graveur et lithographe français.

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[1] Voir : « Comment travaillerons-nous demain ? » 

[2] Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications et INJEP, « Les jeunes face au travail : un regard ambivalent, reflet de disparités », juin 2019. Pour cette étude, 23.000 jeunes représentatifs des 693.000 jeunes sortis du système éducatif en 2012-2013 (17 à 38 ans ; âge médian 21 ans) ont évalué l’importance de 9 composantes : sécurité de l’emploi, rémunération, possibilités d’évolution, relations collègues, reconnaissance du travail par la hiérarchie, intérêt du poste, autonomie ou initiative, utilité à la société, équilibre vie pro/perso.

[3] Voir : « 2018, première année du reste de notre vie » 

[4] Voir : « Le développement durable contre l’emploi ? » 

[5] « Il n’y a pas de passagers sur le vaisseau spatial Terre. Nous sommes tous membres d’équipage. »

[6] Voir : « Génération Y : du plaisir et du sens, SVP » 

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