Les cabris face au quiproquo du sens au travail

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« Il faut donner du sens, » s’écrient-ils en sautant comme des cabris. Les donneurs de leçons étaient déjà insupportables mais que dire des donneurs de sens ?

C’est l’un des effets collatéraux de la crise sanitaire : elle a suscité de nombreuses et fructueuses réflexions chez les salariés. Ce que je fais est-il compatible avec mes valeurs, mes aspirations profondes, mes envies pour les années qui me restent à travailler ?

Et comme par ailleurs le marché de l’emploi s’est retourné, avec son cortège de postes non pourvus et de recrutements inaboutis, il faut garder nos collaborateurs et pour cela, nourrir les nouvelles relations au travail en leur donnant le sens qu’ils recherchent. Et voilà nos donneurs de sens, fraîchement convertis, partis en croisade, à la recherche des âmes errantes en « quête » de sens.

Mais ils se trompent lourdement, car ils pensent que comme beaucoup de prescriptions dans l’entreprise, le sens descend du dirigeant vers l’organisation. Or, c’est exactement l’inverse car le sens est une notion qui ne se révèle que par la confrontation avec le vécu professionnel de chacun.

Le sens ne se donne pas, il se dévoile progressivement dans les interactions du travail. Il faut d’abord mettre en commun les représentations, échanger, discuter, débattre du travail, et alors seulement, partager le sens. Chers cabris, arrêtez de faire appel à l’engagement et transmettez plutôt de l’inspiration ; arrêtez de « donner du sens » et commencez à le susciter.

Martin RICHER, fondateur de Management & RSE
et Directeur de l’Executive Master Trajectoires Dirigeants de Sciences Po

 

Pour aller plus loin :

Consultez la tribune de Martin Richer dans Entreprise & Carrières N° 1582, « Les trois sens du sens au travail »

Familiarisez-vous avec la méthodologie de construction du sens par la délibération sur le travail « L’expression des salariés au travail : 7 bonnes pratiques pour réussir », 17 décembre 2013

Ce court article est la contribution de Martin Richer publiée par la revue académique Question(s) de management, dans un dossier coordonné par Jean-Marie Peretti et Soufyane Frimousse sur le thème « De nouvelles relations au travail : expression de pratiques durables et/ou énième mode ? ». Ce dossier figure dans le No 42 de la revue, consacré à : « Les nouvelles relations managériales en question ».

Ref : « Question(s) de management » 2023/1, Numéro 42, pages 125 à 185 (ISSN 2262-7030), avril 2023

La contribution de Martin Richer, « Les cabris face au quiproquo du sens au travail », se trouve page 177 du document (PDF) que vous pouvez télécharger ici.

 

Pour aller (encore) plus loin :

Nous vous invitons à passer en revue ces contributions réalisées sous la contrainte de la brièveté, dont beaucoup suscitent et aiguillonnent la réflexion. Nous attirons votre attention (mais ces choix sont très personnels) sur les contributions de :

  • Jean-Pierre BOUCHEZ, « Vers un renouveau des relations managériales post-Covid », page 136, qui montre en quoi « l’épreuve de la Covid-19 est assimilable à un immense laboratoire managérial en vraie grandeur» ;
  • Gregor BOUVILLE, « De nouvelles relations de travail ou une nouvelle mode managériale à l’ère du ‘big quit’ et du ‘quiet quitting’ ? », page 138, qui plonge dans Max Weber et le freinage ouvrier pour relativiser la fraîcheur de ces slogans ;
  • Jacques IGALENS, « De l’effet du réchauffement climatique sur la chaleur des relations sociales », page 154, qui montre que sous l’effet du réchauffement, « le partage de la valeur ajoutée entre travail, capital et État va inévitablement se déformer» ;
  • Brigitte NIVET, « Seules les problématiques, les questions, les technologies, les scènes… évoluent, mais le management en lui-même demeure identique », page 167, qui mobilise les recherches académiques pour expliquer pourquoi « la mise en œuvre des décisions managériales sur le terrain ne correspond que de très loin à ce qui a été prévu par les décideurs».

Alors, pratiques durables ou énième mode ?  A vous de répondre…

Vous pouvez aussi accéder au sommaire de ce No de Question(s) de management, « Les nouvelles relations managériales en question ».

Bonne lecture !

 

Crédit image : « Alors, il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe !, l’Europe ! » disait le général de Gaulle en 1965, lors d’un entretien télévisé.

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