Formuler et déployer sa raison d’être

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Echos d’une matinale — Agnès Rambaud, co-fondatrice de Des Enjeux et des Hommes et Martin Richer, président et fondateur de Management & RSE, sont revenus le 6 Novembre dernier sur la notion de « raison d’être » lors d’une matinale au 3 rue du Louvre.

Dans un contexte de défiance jamais atteinte vis-à-vis des grandes entreprises, en particulier en France, la raison d’être représente une étape dans la construction de l’entreprise responsable et contributive[1]. Elle est issue du rapport Notat-Sénard, dont les principales recommandations ont été retenues dans le projet de loi PACTE[2]. Toutefois, comment faire de la raison d’être un véritable outil de management et de gouvernance et non un énième moyen de redorer un blason entaché ?

POURQUOI DÉFINIR UNE RAISON D’ÊTRE

Alors qu’une kyrielle de notions et d’outils se recoupent déjà autour des objectifs stratégiques d’une entreprise, de la vocation au « mission statement » en passant par la culture d’entreprise, la raison d’être propose de regrouper ce panorama et d’aller plus loin.

Elle élargit ainsi la notion de vision, en ne se contentant pas d’inclure les clients, mais en prenant en compte les parties prenantes et en ancrant la stratégie de l’entreprise dans les enjeux sociétaux et environnementaux.

Les bonnes raisons de définir sa raison d’être sont donc de :

  • Remettre la stratégie au cœur de la gouvernance
  • Travailler en écosystème, en étendant les apports respectifs avec les parties prenantes (et lutter ainsi contre la désintermédiation)
  • Ancrer le projet d’entreprise dans le corps social

Questions débattues en séance :

  • Qui doit définir la raison d’être ?
  • Existe-t-il des équivalents à l’international, déjà inscrits dans les lois ?
  • Comment faire pour que la raison d’être ne soit pas seulement un sujet de communication ?
  • Quelle sont les différences avec la « mission » d’une entreprise ?
  • Quelle différence avec « l’entreprise à mission » ?
  • Quel est le rôle du conseil d’administration dans le processus de définition de la raison d’être ?

CONCRÈTEMENT, QU’EST-CE QUE LA RAISON D’ÊTRE ?

Au-delà des définitions juridiques, nos intervenants définissent la raison d’être comme « la contribution que l’entreprise souhaite apporter aux principaux enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux et économiques de son domaine d’activité en impliquant ses principales parties prenantes »[3]. En cela, la raison d’être exprime ce qui nous rend irremplaçables ; ce par quoi nous nous distinguons ; ce que nous voulons être et faire à l’horizon de cinq ou dix ans.

De plus, les entreprises ne doivent pas se concentrer (uniquement) sur le « faire » pour définir leur raison d’être, au risque de ne pas se distinguer de leurs concurrents et de passer à côté de leur « essence profonde », comme souligné dans cet article de Management & RSE (« La raison d’être : un objet managérial disruptif »).

La raison d’être est nourrie par le « why » décrit par Simon Sinek dans son ouvrage « Start with why »[4]. Il observe que la majorité des entreprises se définissent par ce qu’elles font – c’est-à-dire les produits ou les services qu’elles offrent – alors qu’elles trouveraient avantage à affirmer pourquoi elles le font. Il dessine le « golden circle » composé de trois cercles concentriques : au centre le Why, puis le How et enfin le What. On a tendance à communiquer de l’extérieur vers l’intérieur (du concret à l’abstrait) alors que les grands leaders (de Martin Luther King à Apple…) font l’inverse, « inside-out ». Il préconise d’insister sur le « pourquoi », qui révèle les valeurs fondamentales et transcende les finalités de l’entreprise pour exprimer… sa raison d’être. De fait, observe-t-il, les entreprises qui revendiquent une raison d’être claire et inspirante sont plus performantes à long terme que leurs concurrentes. Elles attirent et fidélisent plus facilement leurs clients et sont plus attractives pour leurs salariés.

Une entreprise peut fonctionner sans faire cet effort de sens. Elle peut proposer un produit ou un service qui correspondent aux attentes des consommateurs mais elle aura du mal à innover et à conduire sa transformation culturelle. C’est la raison d’être d’une structure qui permet l’engagement des collaborateurs et l’assimilation d’un esprit collectif.

En s’appuyant sur des exemples concrets d’entreprise ayant formulé leur raison d’être (ou leur intention stratégique ou équivalent), les intervenants définissent une batterie de 9 critères mobilisés pour éprouver une raison d’être. Cette dernière doit être:

  1. Simple
  2. Synthétique
  3. Différenciante
  4. Stable
  5. Inspirante
  6. Adaptable
  7. Crédible (ancrée dans le vécu)
  8. En correspondance avec les ODD (Objectifs du Développement Durable définis par l’ONU)
  9. Inclusive des parties prenantes

Questions débattues en séance :

  • Quelles parties prenantes sont à considérer pour définir la raison d’être ?
  • Quelles sont les contre-indications à définir une raison d’être ?
  • Quelles méthodes existent pour mesurer la pertinence d’une raison d’être ?
  • N’y a-t-il pas un risque juridique si l’on inscrit la raison d’être dans les statuts ?
  • Quel peut être l’apport des technologies de l’information dans le process de définition de la raison d’être ?

QUELQUES EXEMPLES… POUR ALLER PLUS LOIN

Même si l’exemple parfait n’existe pas (encore ?), les raisons d’être suivantes cochent plusieurs des critères évoqués :

  •  « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre »  – Danone
  •  « Proposer des produits et services pour la maison conçus au bénéfice de l’Homme et de la planète » – CAMIF
  • « To give everyone the power to create and share ideas and information instantly, without barriers » – Twitter

Le mode d’expression de la raison d’être doit rester souple : elle peut être gravée dans le marbre des statuts mais elle peut aussi faire l’objet d’engagements concrets, d’échanges fructueux en interne et avec les parties prenantes. Mais elle ne peut pas être une simple proclamation ; elle doit s’incarner dans les objectifs poursuivis par l’entreprise et son management.

Si vous souhaitez aller plus loin, Martin Richer et Agnès Rambaud-Paquin co-animeront un atelier d’une journée le 22 janvier prochain pour vous aider dans la définition et le déploiement de la raison d’être de votre entreprise. Tout le programme ici.

Contact pour obtenir des renseignements ou vous inscrire : Mathilde Champenois (Des Enjeux et des Hommes), mathilde.champenois@desenjeuxetdeshommes.com

Pour aller plus loin :

Pour des exemples concrets, lire l’article de Gilmar Sequeira Martins et Lys Zohin : « La Raison d’être, le nouvel alpha et oméga des entreprises »

Passez en revue les articles de ce blog consacrés à la raison d’être et aux sociétés à mission

Cet article est une version éditée d’une publication initialement proposée sur le blog de E&H

Crédit image :  « Vincent Aéromodéliste, Gordes », 1952, photo de Willy Ronis (1910- 2009)

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[1] « L’entreprise contributive, un ‘modèle’ organisationnel pour une RSE incarnée » http://management-rse.com/2018/03/08/lentreprise-contributive-modele-organisationnel-rse-incarnee/

[2] « Ré-encastrer l’Entreprise dans la Cité : une analyse du rapport Notat-Senard » http://management-rse.com/2018/10/29/re-encastrer-lentreprise-dans-la-cite-une-analyse-du-rapport-notat-senard/

[3] « Les parties prenantes, le biocarburant des nouveaux business models » http://management-rse.com/2018/06/12/les-parties-prenantes-le-biocarburant-des-nouveaux-business-models/

[4] Simon Sinek, David Mead and Peter Docker, “Find Your Why”, éd. Pearson, 2018 ; Simon Sinek, « Commencer par pourquoi » (“Start With Why”), éd. Performance, 2015

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