Le CPA, ossature d’une nouvelle responsabilité sociale

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Le compte personnel d’activité (CPA) est une création récente, qui constitue la charpente sur laquelle pourra s’appuyer la refondation de notre modèle social. Il permet de reconstruire notre système de protection sociale sur le travail (plutôt que sur l’emploi), d’acclimater les effets de « disruption » du numérique, de sécuriser les parcours professionnels et de diffuser les démarches de responsabilité sociale et environnementale. Voici comment.

Le CPA a été formellement créé par la loi relative au dialogue social et à l’emploi (dite « loi Rebsamen ») du 17 août 2015. Il s’agit aujourd’hui d’une coquille en grande partie vide… mais riche de potentiel. Cette idée vient de loin. Elle plonge ses racines dans de multiples sources d’inspiration : le rapport « Le travail dans vingt ans » (Jean Boissonnat, 1995), les « marchés transitionnels » (Bernard Gazier, 1995), le « cadre de sécurité active pour faire face aux transformations du travail et à l’incertitude économique » (Amartya Sen, 1998), les « droits de tirages sociaux » (Alain Supiot, 1999). Je m’y intéresse depuis longtemps car je crois qu’une fois à maturité, elle constituera une charpente solide pour construire un nouveau mode de protection et de responsabilité sociale.

De quoi s’agit-il ? Le CPA est d’abord un réceptacle des droits économiques et sociaux. Il permet à chacun d’entre nous d’articuler ensemble et de piloter « tout au long de notre vie » les droits et dotations qui favorisent notre évolution, notre progression. Aujourd’hui (dans la loi Rebsamen étendue par le projet de loi El Khomri), il réunit seulement le Compte personnel de formation (CPF), le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et potentiellement le Compte épargne temps (CET). Mais l’objectif est d’y intégrer progressivement les autres composantes (droits à la retraite, assurance chômage, etc.) et de définir les règles d’articulation et de conversion entre ces différentes composantes. A titre d’exemple, voici une règle qui existe déjà : le compte de prévention de la pénibilité offre la possibilité aux salariés concernés de consacrer des points accumulés au titre de la pénibilité pour financer une formation afin de se reconvertir vers un emploi moins pénible[1].

Mais le CPA est bien plus qu’un simple réceptacle. Cette charpente permettra aussi de reconcevoir une approche proactive de la protection sociale, de défragmenter les statuts d’activité (salarié, expatrié, fonctionnaire, créateur d’entreprise, etc.), de sécuriser les parcours professionnels, de développer les tâches de bénévolat et d’intérêt général, d’accompagner l’entrée dans la société numérique. Pour avoir une idée de son potentiel, je vous invite à lire une note que nous venons de publier avec un groupe de travail de la fondation Terra Nova : « Le bel avenir du Compte personnel d’activité » .

Dans l’article qui suit, je me concentre sur un aspect bien précis : l’incidence du CPA en matière de RSE. La « traduction officielle » de l’acronyme RSE est « Responsabilité sociétale de l’entreprise ». Je remplacerais volontiers le dernier terme par la dimension environnementale de la responsabilité globale, d’où l’expression de « Responsabilité sociétale et environnementale ». En effet, la RSE ne se laisse pas cantonner à l’entreprise, ni même, plus largement à l’organisation. La RSE, que certains définissent justement comme la mise en œuvre des principes du développement durable par les acteurs économiques et sociaux, est d’abord et avant tout une approche. Cette dernière se caractérise par la place importante dévolue aux parties prenantes et par la recherche d’une performance globale (économique et financière, sociale et sociétale, environnementale). Ces deux aspects peuvent aussi bien définir le comportement d’un individu, d’une organisation non gouvernementale ou d’un Etat que celui d’une entreprise.

Avec le CPA, la France peut rechercher une voie originale de sortie de crise et de restauration de sa compétitivité, comme l’avait dessiné France Stratégie dans son exercice de prospective : « Ne nous leurrons pas : nous n’atteindrons ni les taux de croissance de la Chine, ni l’inventivité scientifique et technique des États-Unis, ni la puissance industrielle de l’Allemagne, ni l’équilibre social ou la qualité environnementale des pays scandinaves, ni la sécurité de la Suisse. Mais nous pouvons décider de combiner chacune de ces performances, et devenir l’un des pays qui sache le mieux mettre la croissance au service du bien-être de ses citoyens ou, pour le dire autrement, l’un des pays qui équilibre le mieux impératifs économiques, exigences environnementales et priorités sociales »[2].

On peut alors envisager le CPA comme la charpente permettant de tuiler l’ensemble des dispositifs qui régulent les rapports entre les individus (les personnes), les entreprises et l’Etat. C’est en cela qu’il est au cœur d’une nouvelle responsabilité sociale. Cette dernière s’organise selon trois versants.

1) Renforcer les acteurs

Le CPA organise les relations entre les parties prenantes de façon holistique. La personne est à présent considérée dans son entièreté, dans toutes les dimensions de sa vie et de ses éventuelles difficultés. Le salarié, le stagiaire, l’autoentrepreneur, le parent, l’apprenant, le chômeur, le patient, le citoyen… ne sont plus appréhendés comme des entités séparées, mais comme les différents visages d’une même personne. Cela permet notamment d’aborder de façon personnalisée l’ensemble des freins à la transition professionnelle, qui sont aujourd’hui bien identifiés : l’accès au logement, à la formation, à la garde d’enfants, au permis de conduire, au travail du conjoint. Les transitions subies seront ainsi mieux gérées et les transitions choisies mieux préparées.

Désormais, il s’agit d’équiper les personnes d’outils et de moyens pour leur permettre de traverser au mieux les turbulences de l’existence, de transformer les ruptures en transitions, de les accompagner pour qu’elles ne soient jamais seules face aux difficultés, de construire une trajectoire de vie ascendante. Il existe deux façons d’accompagner les personnes (dans leurs transitions, leurs difficultés ou au contraire dans l’accélération de leur accomplissement). La première est bien connue : c’est le surplomb, la position du sachant, qui protège mais entretient la dépendance. La seconde est l’approche de la RSE : c’est la co-responsabilité, qui repose sur l’« empowerment », que l’on retrouve dans l’approche par les capacités développée par Amartya Sen et Martha Nussbaum ainsi que dans le concept d’environnement capacitant qui en découle[3].

Comment traduire ce terme américain d’« empowerment »? Accomplissement ? Autonomisation ? Renforcement des collaborateurs ? Extension de la latitude décisionnelle ? Développement de l’esprit d’initiative ? Accroissement de la capacité d’intervention ? Pouvoir d’agir ? Délégation des responsabilités ? Confiance mutuelle ? J’opte résolument pour « responsabilisation », ce qui me confirme dans l’idée que l’empowerment est une attitude clé de la RSE.

Le CPA est l’outil de responsabilisation des acteurs : il permet de réguler leurs droits et leurs dotations ; il leur procure les ressources pour piloter leur destin et les devoirs qui leurs sont associés. C’est ainsi que le CPA n’est pas seulement un réceptacle de droits, mais un assembleur de potentialités, de ressources activables. Il n’est pas un outil d’« assistanat » mais un dispositif de régulation du contrat social.

De même, le CPA doit se traduire par une responsabilisation plus grande des acteurs sociaux. Les organismes de protection sociale et leurs agents, plus largement les « travailleurs sociaux », doivent se mettent au service des personnes, aller à leur rencontre, se positionner en soutien. Ce nouveau mode d’accompagnement passe par la mobilisation d’outils de suivi des trajectoires socio-professionnelles permettant le croisement de données jusqu’ici détenues par plusieurs administrations et services de l’Etat, de ses opérateurs, des collectivités ou de l’assurance maladie.

Le CPA est un outil universel : il doit bénéficier à tous et pas seulement à ceux qui ont déjà les ressources (intellectuelles, culturelles, relationnelles, etc.) pour bien le mobiliser. Il faudra donc créer des points d’appui qui permettront d’aider les travailleurs les moins qualifiés mais aussi les plus éloignés de l’emploi à s’approprier cet outil. On peut par exemple capitaliser sur le rôle des conseillers en évolution professionnelle (CEP), dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle et, s’il y a lieu, établir un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité…). Ce rôle a été créé par l’accord interprofessionnel sur la formation professionnelle du 14 décembre 2013[4].

Le CPA permet aussi de soutenir les acteurs face aux bouleversements du travail opérés par l’intrusion des outils numériques. Sans le CPA, notre système de protection sociale, sans même parler de notre modèle social, se révélera incapable d’absorber le choc contre le salariat traditionnel et le principe de subordination, attaqué de toutes parts. Il sera débordé par le développement de ce nouveau monde, incapable de prendre en compte la pluri-activité (plusieurs activités au long d’une carrière) et la multi-activité (plusieurs activités en même temps). Je ne peux pas me résoudre à assister à la faillite du modèle français, que serait la coexistence du monde ancien, resté tel quel, protégé mais corseté et du monde numérique, riche de dynamisme mais lourd de menaces sociales. Le CPA est la charpente qui permettra cette transition.

Les entreprises trouveront également un intérêt au développement du CPA car les enquêtes montrent que l’un des facteurs les plus importants du « mal-être au travail » est l’incertitude ressentie par les salariés face à leur avenir professionnel. Or les salariés les mieux sécurisés vis-à-vis de ces aléas sont aussi les plus susceptibles de s’investir à long terme dans l’entreprise.

2) Viser la performance globale

Le CPA permet aux Etats comme aux individus d’opérer sans dommage leurs arbitrages entre les trois versants de la performance globale : économique, sociale, environnementale. A tout moment, mon CPA me permet de connaître et d’exercer à la fois mes droits garantis (santé, famille), mes droits en dotation (droit à formation tout au long de la vie professionnelle, congés sabbatiques, aide à la création d’entreprise, rendez-vous d’orientation, etc.), mes droits spécifiques (retour d’expatriation, parent isolé, handicap, aidant, etc.) et mes droits accumulés (pénibilité, assurance chômage, logement, retraite, RTT, compte épargne temps, épargne salariale, etc.).

Je peux dialoguer avec les administrations sociales et obtenir des conseils. En fonction de mes impératifs, de mes motivations mais aussi de mes contraintes, je peux moduler ma contribution à la société : je serai parfois contributeur net, parfois utilisateur net. Je peux ainsi accompagner les alternances et les chevauchements des temps d’apprentissage, de travail salarié, de travail en indépendant, d’expatriation à l’étranger, d’entrée dans la parentalité, de repositionnement professionnel, de soin donné aux autres, de réalisation de projets personnels, de passage « en douceur » vers la retraite.

Le CPA va aussi nous permettre de sortir par le haut du débat hystérisé sur le temps de travail. Face à une situation de chômage endémique et de longue durée, combinée à des perspectives de croissance peu optimistes, nous n’avons pas d’autre choix que de parvenir à une nouvelle répartition plus efficace du travail, comme l’on fait… les Allemands[5]. Mais au lieu de s’enfermer dans la logique hebdomadaire (« les 35 heures »), le CPA permet de dépasser les oppositions stériles en s’intéressant à un réaménagement global du temps d’activité (et non seulement « de travail »), et ce « tout au long de la vie ». Cette approche brise la séquentialité rigide et linéaire héritée du taylorisme. Cette dernière interdisait de progresser vers les objectifs sociétaux d’une vie plus harmonieuse mais aussi vers l’amélioration durable des conditions de travail :

Formation initiale  →   Entrée tardive et précarisée sur le marché du travail
→  Travail excessivement intense et pénalisant les équilibres (personnels, familiaux, sociaux) entre 30 et 45 ans
→   Sortie prématurée et douloureuse du marché du travail →   Activation des droits à la retraite

L’approche préconisée par le CPA est celle de la modulation des temps d’activité et de travail tout au long de l’existence, en fonction des étapes de vie (arrivée d’un enfant, projet personnel, accompagnement d’un aîné,…) et des motivations de chacun. Elle se soucie de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Elle montre que « travailler plus », c’est surtout être plus à travailler. Elle contribue à une amélioration de la qualité de vie au travail et à celle des modes de vie plus respectueux des rythmes de chacun.

L’approche du CPA incite les acteurs à adopter des comportements socialement responsables. Par exemple le système de formation professionnelle est handicapé par un effet pervers : les entreprises n’ont aucun intérêt à développer les formations destinées à construire les compétences transférables, permettant à leurs salariés de préparer leur reconversion professionnelle (voir « RSE et emploi : Construire les compétences, développer l’employabilité »). Le résultat est que bon nombre d’entreprises forment avant tout « au poste » et enferment ainsi le potentiel d’évolution de leurs salariés. Avec le CPA, cet effet pervers disparaît car les droits à formation – comme tous les compartiments du CPA – sont attachés à la personne et transférables.

De la même façon, le CPA pourrait être utilisé pour doter les jeunes intérimaires ou titulaires de CDD de moyens leur permettant d’accéder à des ressources (formation, accompagnement, etc.) pour les aider à décrocher un CDI. Le financement de ces moyens pourrait être assuré par une taxation des contrats les plus courts, comme esquissé par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013.

Grâce aux capacités intégratrices du CPA, les obstacles rencontrés dans la vie (échec scolaire, maladie, mal-logement, handicap, précarisation…) peuvent être mis en relation et faire apparaître leurs interactions. Cette approche globale de la personne se révèle fort utile tant les accidents de la vie et les vulnérabilités sociales se cumulent.

A l’inverse, le CPA m’aide à mobiliser des droits pour construire mes capacités de rebond. On en connaît déjà quelques exemples aujourd’hui : ainsi, en cas de chômage, je peux renoncer à une partie de mes droits d’indemnisation contre une aide à la création d’entreprise[6]. Ce droit à une seconde chance, comme par exemple le droit opposable à la formation, doit devenir un droit effectif et non un simple slogan. Le CPA permet par exemple de doter les 120 000 jeunes qui, chaque année, quittent le système scolaire sans aucun diplôme, d’un crédit formation qu’ils pourront utiliser au moment opportun et sans être obligés de « retourner sur les bancs de l’école »[7].

3) Reconnaître l’intérêt général

Le CPA accompagne les personnes dans leurs transitions et crée des passerelles entre les différents statuts (étudiant, salariat, création d’entreprise, formation, chômage, intermittence…). Il permet aussi des cumuls d’évolution (reprise d’un travail à temps partiel tout en continuant à percevoir des allocations chômage) et des points de passage entre les différents mondes du travail (fonction publique, secteur privé, entrepreneuriat, bénévolat). Il facilite ainsi la reconnaissance de l’activité des bénévoles et la formalisation d’un droit à la contribution citoyenne dans une association ou un organisme d’intérêt public, dans le cadre de tâches définies comme d’intérêt général. Première étape, l’avant-projet de loi El Khomri sur le Travail prévoit des abondements pour soutenir les jeunes en service civique.

Plus largement, il reconnaît également la valeur du travail domestique, aujourd’hui injustement non valorisé sous prétexte qu’il est effectué pour une très grande part à titre gratuit. Pourtant, des travaux estiment que le travail domestique non marchand pourrait représenter jusqu’à 33% du PIB en France (hypothèse intermédiaire), et des parts souvent comparables dans de nombreux pays du monde[8]. Pour la France, entre 42 et 77 milliards d’heures de travail domestique selon les trois différents périmètres d’activité retenus par l’étude de l’INSEE, ont été effectuées en 2010. Ce volume est au minimum égal au temps de travail rémunéré, qui était de 38 milliards d’heures.

Le CPA s’articule à la politique RSE de l’entreprise, qui peut par exemple décider de doter le CPA de ses salariés d’un crédit d’heure leur permettant de participer à une activité bénévole, par exemple au profit d’une association ou d’une ONG investie dans une cause soutenue par l’entreprise.

Le CPA permet aussi de dépasser le débat récurrent sur le « revenu de base », également appelé « revenu d’existence » ou encore « universel ». En lien avec les structures d’insertion par l’activité économique, chacun pourrait bénéficier d’un revenu (adapté d’une région à l’autre) piloté par son CPA, qui comptabilise également les obligations associées (participation à des actions de formation, à des travaux encadrés par une structure d’insertion ou à des actions d’intérêt commun). Au-delà de l’emploi, c’est en effet le travail qui constitue le pivot du CPA, car « le travail reste et restera une voie essentielle d’intégration sociale »[9].

En permettant à chacun de trouver un rythme de vie adapté à ses souhaits, en favorisant des activités qui ne se situent pas systématiquement dans la surconsommation des ressources, le CPA contribue au découplage entre croissance et atteintes au climat, à la biodiversité ou aux autres ressources essentielles.

On constate ainsi que loin d’être un outil d’individualisation, le CPA devient un cadre qui permet d’orchestrer des processus collectifs et de réguler les relations entre acteurs. Comme le précisait justement le document d’orientation remis aux partenaires sociaux, « la capacité d’action donnée à l’individu par le CPA ne doit faire oublier ni la nécessité d’organiser un cadre collectif pour le recours à ce droit, ni la responsabilité de l’employeur dans le parcours de ses salariés, ni le rôle des pouvoirs publics »[10].

Conclusion

Les exemples développés ici (formation, bénévolat, travail domestique, revenu d’existence, etc.) montrent que la dernière lettre de l’acronyme CPA, au travers de la notion d’activité, fait bien la différence entre emploi et travail. L’enjeu du CPA est en effet de changer le socle de notre modèle social : aujourd’hui l’emploi ; demain le travail. Les mutations qui aujourd’hui font entrer le salariat et l’emploi en turbulence m’ont convaincu de la nécessité de cette vaste transition : le socle pertinent de notre modèle social est le travail.

Le CPA permet de reconstruire progressivement sur de nouvelles bases notre modèle social si décrié… et si fragile. Il répond à deux impératifs : donner à chacun les moyens de son indépendance et de son autonomie ; rendre une consistance au lien entre emploi, travail, sécurité et évolution. C’est une approche de RSE, qui promeut une démarche inclusive sans négliger l’impératif de compétitivité. C’est par le CPA que passe la réconciliation des Français avec le progrès.

Note d’actualisation : Le CPA a disparu dans les arbitrages d’un nouveau quinquennat en 2017. Il renaîtra un jour de ses cendres, tant est grande sa pertinence vis-à-vis des enjeux de demain.

Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises,

Management & RSE

Pour aller plus loin :

« Le bel avenir du Compte personnel d’activité », note de Terra Nova. Je remercie les membres de ce groupe de travail avec lesquels j’ai eu le plaisir d’échanger: Bernard GAZIER, Jean-François LE RUOF, Arnaud LOPEZ, Thierry PECH et Bruno PALIER.

Ma contribution sur le CPA sur le site de France Strategie

La suite de cet article, à lire sur ce blog : « CPA (Compte personnel d’activité) : pour une approche inclusive »

Crédit image : « La galerie des machines », photographie de M. H.-C. Godefroy, 1889 (ce bâtiment, situé sur le Champ de Mars à Paris, était le plus vaste construit pour l’Exposition de 1889).

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[1] La capacité d’opérer ce type de conversion (ou de l’interdire dans certains cas) porte le doux nom de « fongibilité asymétrique ».

[2] « Quelle France dans dix ans ? Les Chantiers de la décennie », Rapport de France Stratégie au président de la République, sous la direction de Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, juin 2014

[3] Martha C. Nussbaum, « Capabilités ; Comment créer les conditions d’un monde plus juste », éditions Climats, Paris, 2012

[4] Transposé dans la loi du 5 mars 2014

[5] Voir Bernard Gazier et Carole Tuchszirer, « Sécuriser les parcours professionnels », Wolters Kluwer, août 2015

[6] Dispositif d’aide à la reprise ou création d’entreprise (ARCE) permettant aux demandeurs d’emploi souhaitant créer leur entreprise de profiter de leurs allocations chômage sous forme de capital plutôt que de versements mensualisés.

[7] L’avant-projet de loi sur le Travail porté par M El Khomry prévoit une dotation de 400 heures de formation pour les « jeunes décrocheurs », afin de leur accorder une deuxième chance.

[8] Delphine Roy, « Le travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010 », INSEE Première 1423, novembre 2012

[9] Selma Mahfouz et al., « Le compte personnel d’activité, de l’utopie au concret », rapport de la Commission Compte personnel d’activité de France Stratégie, octobre 2015

[10] Ministère du Travail, « Document d’orientation sur le CPA et la sécurisation des parcours », novembre 2015

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2 réponses

  1. Parmi les impératifs de création d’outils d’adaptabilité à des étapes de la vie professionnelle l’accélération des évolutions technologiques rend indispensable des phases successives de formation des salariés tant pour ces derniers que pour les entreprises qui les emploient. Le CPA semble se soucier d’être acteur de ces moyens d’adaptation.
    Mais soyons clairs si les modes de management actuels qui ont cassé les collectifs de travail, institué les obligations de résultats au niveau individuel créant ainsi un climat de défiance entre eux , en éloignant la hiérarchie des exécutants le CPA ne sera pas en mesure de donner sa pleine mesure.

    A PROPOS DU NOUVEAU MANAGEMENT ET DE SES INITIATEURS

    En 2009 j’avais commis un texte intitulé « Les causes des souffrances et des suicides dans le monde du travail » que j’ai réactualisé en 2015 et qui traitait des conséquences des modes de management appliqués dans les entreprises, sur la transmission des métiers, la capacité d’innovation, le vécu du personnel et la difficulté pour ce dernier à se sentir solidaire du devenir de l’entreprise.
    Dans la réflexion qui se poursuit à propos du mode de management dans les entreprises se dégage celui proposé par les cabinets de conseil et d’audit qui se fixent comme objectif d’élaborer des dispositifs standardisés destinés-selon leur vision-à améliorer la rentabilité des grandes entreprises privées comme publiques.
    Ils se fondent pour ce faire sur les critères empruntés aux modèles anglo- saxons –dont j’avais dit que pour moi la greffe prenait mal dans des pays comme le nôtre où certains modes de pensée sont différents donnant moins de prééminence au « pragmatisme »- et essentiellement au « lean management » qui vise à supprimer les temps morts et les tâches superfétatoires, au « benchmarking » qui repose sur des indicateurs de performance permettant un classement des établissements et des services et d’en déduire les budgets à affecter à chacun.
    Ces acteurs de l’ombre affublés dans le langage des spécialistes du qualificatif de « planneurs » opèrent ainsi dans les lieux où s’élaborent Les prescriptions qui s’imposent aux cadres d’entreprises comme aux employés d’administrations, aux médecins comme aux infirmiers, aux informaticiens comme aux universitaires, aux policiers comme aux assistantes sociales ».(1)
    S’intéresser comme le fait Marie-Anne Dujarier à leurs activités dans son ouvrage « Le management désincarné » revient à mettre en lumière « la main invisible » de ceux qui dans des bureaux loin des lieux d’application de leurs prescriptions s’emploient « à la propagation d’outils de gestion qui rythment le quotidien de nombreux salariés sans épargner les dirigeants de proximité chargés de les faire appliquer ».(1)
    Qui sont ces gens ?
    Au contraire des dirigeants d’entreprises qui étaient présents sur le terrain et, par conséquent, en mesure de prendre en compte l’ensemble des éléments liés aux divers niveaux d’activité de l’entreprise, ces planneurs vivent sur une autre planète qui est celle des sièges sociaux et des directions centrales des administrations.
    Ainsi donc depuis leurs lieux de travail les planneurs « ne peuvent- ils pas entendre le bruit d’une machine son ronronnement ou ses sursauts, sentir sa surchauffe éventuelle, renifler ses rebuts. Ils ne sont pas en situation de percevoir le climat dans une équipe , d’entendre le ton employé par un client ou un citoyen dans sa demande ou d’apprécier la tension dans une file d’attente »(1) Ainsi leurs outils et leurs conseils sont- ils élaborés dans un univers hermétique aux aléas de l’activité humaine dont ils sont chargés d’établir les règles de fonctionnement.
    Dans ces conditions «… le travail du consultant est essentiellement fait de longues heures de travail devant un écran d’ordinateur au traitement de données et à la production de documents Power Point, à l’établissement de « reportings »(comptes rendus), à la préparation de « to do lists »(listes d’actions à réaliser),à ajuster et vérifier des calendriers de livrables, à passer son temps dans des réunions de projet » commente la jeune sociologue Julie Bourocher dans la thèse qu’elle vient de consacrer aux multinationales du conseil(2)..
    Ce qu’ils produisent et remettent à leurs clients se veut neutre mais du fait de leur ignorance des réalités concrètes, donc des contraintes du terrain, leur production se nourrit de l’imaginaire des consultants et selon un horizon aussi idéal qu’impossible de réussite absolue : zéro défaut, zéro perte de temps, zéro délai. Ainsi constate –t-on deux conceptions de la qualité : la qualité telle que définie au sommet, conforme à la satisfaction du « lean management » pour faire court et la qualité vue d’en bas celle vue de l’activité et qui est représentée par la qualité du produit livré et la maîtrise des contraintes d’activité. Ce contexte induit un fossé entre direction et exécution–préjudiciable à l’harmonie de fonctionnement de l’ensemble et à ses résultats.
    Comme j’avais pu le noter dans mon précédent document sur la question ce fossé n’a pas toujours existé mais s’est installé peu à peu avec l’introduction de modes de management issus des pratiques anglo-saxonnes et s’est vu en quelque sorte finalisé par la délégation par les managers –sous la pression entre autres d’exigences de plus en plus déraisonnables des actionnaires- des tâches d’organisation à des cabinets de consultants.
    Ce transfert a eu pour conséquence une mutation du métier de manager dont l’objectif premier est devenu l’amélioration des résultats financiers. Cela a donné entre autres modèles le management par l’excellence, l’organisation par projets, la productivité globale des facteurs…La culture du résultat qui progressivement du niveau de la direction des entreprises initialement est descendue aux unités, puis aux services pour aboutir à l’individu. Cette évolution a fait que le management sous une pression de plus en plus forte imposée par une vision purement comptable de l’entreprise est devenu plus prescripteur que médiateur et, s’éloignant de plus en plus du terrain, il se désintéresse de l’activité réelle-un directeur d’unité m’a dit à l’occasion d’un audit que je conduisais dans le début des années 2000 « Mais monsieur un cadre n’a pas à connaitre de la nature des activités des agents son rôle est de veiller à leur gestion ». Gérer des activités dont on ne connait rien voilà un vrai progrès !…Le management a donc ainsi abandonné « sa fonction première qui était de trouver les meilleures médiations »(3)
    Le constat.
    Cette nouvelle approche apporte en plus un éclairage sur le processus d’élaboration des modèles de management qui amplifie l’éloignement des réalités du terrain car leur élaboration est faite par des intervenants extérieurs aux entreprises.
    Absence d’interlocuteur
    Quoi qu’en disent les tenant de ce mode de management « L’invisibilité produit des effets délétères .Alors que, autre fois, les salariés pouvaient échanger avec un chef sur une réalité que tous deux connaissaient, le face à face n’est plus possible aujourd’hui. Les problèmes, impasses et conflits ne trouvent plus à s’extérioriser dans une relation hiérarchique au sein de l’entreprise puisque les dispositifs abstraits s’imposent –certes de manière différente – à tous les échelons. Du coup ils sont intériorisés. L’intime est devenu le lieu de cette contradiction entre le travail réel et le travail prescrit ». Faute d’assumer des choix, les managers renvoient à leurs collaborateurs et à leurs subordonnés le soin de « résoudre » ces contradictions sans se préoccuper de leur en donner les moyens » explique Vincent de Gaulejac . Lequel reconnait qu’in fine «… c’est rassurant de trouver un responsable ». Là on a l’impression que plus personne n’a de prise réelle. Les salariés ne savent plus à qui s’adresser, donc ils sont obligés de s’adapter. Parfois jusqu’à la folie…
    Cette conclusion rejoint la mienne-dont extraits ci-dessous
    […]Le principal obstacle à un fonctionnement plus harmonieux des entreprises résulte pour l’essentiel de ce que les dirigeants d’aujourd’hui aux commandes n’ont plus aucune connaissance des réalités du travail. Les sciences de l’ingénieur ont été détrônées au profit des sciences de la gestion, cependant que l’on affirmait à grand bruit la fin du travail, voire la disparition souhaitable du travail comme valeur. Non seulement il s’agit là d’un déni de réalité, mais ses engagements dans un mouvement de retournement ruine le rapport humain au travail contre l’avis dont il est pourtant facile de montrer que cette dernière est indissociable du besoin, du désir, de la volonté de s’impliquer individuellement et collectivement dans le travail.
    […]Ne voulant rien savoir du « travailler » proprement dit, engagés dans une lutte sans merci avec le droit des gens de métier à faire entendre leurs objections contre les effets délétères du fanatisme gestionnaire, les dirigeants ne savent proposer que des méthodes supplémentaires de contrôle, qui portent le nom de « traçabilité », de « critères de qualité totale » et « d’évaluation des performances ».
    Incapables d’apporter la moindre assistance technique aux travailleurs qu’ils commandent, parce qu’ils n’ont aucune connaissance du travail concret, les gestionnaires s’en tiennent à fixer des objectifs toujours plus péremptoires, à miser sur la concurrence entre les travailleurs pour pouvoir se délester des responsabilités en matière d’allocation de moyens et à exiger toujours davantage de « reportings », c’est-à-dire d’informations venues des subordonnés sur l’avancement de leur travail pour suppléer à ce qu’ils sont incapables d’investiguer et de juger par eux-mêmes.
    Parmi les outils de gestion, on a montré que le plus délétère de tous pour la santé mentale est l’évaluation individualisée des performances. Couplée à la menace sur l’emploi, cette méthode d’évaluation se mue en management par la menace. Elle introduit la peur comme méthode de gouvernement, et elle monte tous les travailleurs les uns contre les autres, déstructurant ainsi les solidarités et le vivre-ensemble. La solitude et la désolation se sont abattues sur le monde du travail, aboutissant à une détérioration tellement profonde des relations de travail que certains finissent par se suicider sur les lieux mêmes de leur activité.
    En exaltant la performance individuelle, les nouvelles méthodes de gestion ont déstructuré le travail collectif. L’augmentation des pathologies de surcharge (burn-out, karôshi (mort par excès de travail), troubles musculo-squelettiques, dopage) montre que les gens travaillent de plus en plus, cependant que la productivité baisse. C’est que les ressorts de la coopération ont été systématiquement ignorés, alors que le capital de coopération accumulé par la culture a été pillé sans être renouvelé.[…]
    […]Reprendre la main sur cette orientation délétère passe par plusieurs mesures :
     La réhabilitation du travail et de la valeur du travail au regard de la vie et de la culture constitue la condition sine qua non d’une action rationnelle.
     Redonner à l’enseignement des sciences du travail une place prioritaire dans les écoles d’ingénieurs et de commerce et repenser les théories de la gestion à l’aune du travail réel est nécessaire pour outiller les dirigeants des instruments théoriques indispensables à l’action.
     Suspendre les évaluations individualisées et quantitatives des performances et les remplacer par des méthodes non quantitatives fondées sur le jugement contradictoire et délibératif des contributions individuelles à l’oeuvre commune.
     Introduire surtout de nouvelles méthodes permettant de penser et d’évaluer (au sens noble du terme, c’est-à-dire de porter un jugement sur la valeur de quelque chose) le travail collectif.[…]
    Marc Leygonie
    Cadre retraité et citoyen.

  2. Si le CPA permet a terme de « donner à chacun les moyens de son indépendance et de son autonomie », aujourd’hui en incluant le CPF il est est loin de l’autonomie et l’indépendance pratiques. Avez vous essayé d’utiliser ces heures, de droit à formation (ex DIF) accumulées depuis plusieurs années, dans la jungles des référentiels incompréhensibles accessibles sur Internet ? J’ai tenté l’expérience au mois de Novembre dernier et j’ai finalement jeté l’éponge.

    Il y a donc un très gros travail de réflexion et de pragmatisme à faire pour que ce compte réceptacle soit quelque chose de compréhensible et d’utilisable par le « commun des mortels », qui ne soit pas une usine à gaz conçue par une armée de technocrates.

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