Construisez votre politique RSE comme un accélérateur de changement

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[ Mise à jour: 18 septembre 2018 ] Certains voient encore la RSE comme « un empêcheur de manager en rond ». Les combats d’arrière-garde ont toujours le goût amer du pathétique. Car la réalité est exactement inverse : une approche RSE authentique et intégrée (c’est-à-dire : connectée au management et à la stratégie) permet d’accélérer le changement, de gagner en cohésion interne, en compétitivité.

En voici les 7 raisons :

1 – En renforçant les parties prenantes, la RSE oblige les organisations à traiter des sujets souvent occultés qui pourtant génèrent des coûts cachés significatifs : mauvaise qualité des conditions de travail, relation clients défectueuse, sous-utilisation du potentiel issu de l’écosystème local, manque d’attention portée au recyclage, insuffisance de la formation professionnelle, etc. La RSE constitue ainsi un axe de progrès pour les entreprises et un facteur de prévention des risques, notamment les risques de contentieux juridique, de réputation, de cohésion sociale dégradée.

2 – En effet, la RSE est une démarche de mise en visibilité. Elle rend visibles et publiques des actions sur lesquelles l’entreprise s’engage. Cette démarche a un impact de plus en plus prononcé, du fait de l’importance grandissante de l’image de marque, du capital-confiance entre les entreprises et leur écosystème et en sens inverse, du risque de réputation. Or, cela compte : selon une étude Ipsos, 93 % des Français ont déjà renoncé à acheter un produit d’une marque qui ne respectait pas leurs attentes en termes de développement durable. De même, 90 % des salariés et 74 % des chefs d’entreprise affirment que l’image sociale de leur entreprise a des conséquences importantes sur l’attractivité de ses produits (étude BVA – Vivienne16, mars 2010).

3 – L’inclusion des parties prenantes amène les entreprises à poser avec leurs salariés un débat fertile, celui de l’efficacité, de la compétitivité. De quelle compétitivité s’agit-il ? Celle qui permet de satisfaire les actionnaires ? Ou plutôt, une compétitivité globale (qui répond aux attentes de l’ensemble des parties prenantes) et soutenable (qui rompt avec le diktat du court terme) ? Quels compromis proposer  et comment aménager la démarche de dialogue ? C’est souvent dans l’organisation de la confrontation des points de vue des parties prenantes que se trouve un gisement d’innovations, de solutions relationnelles nouvelles, source de différenciation concurrentielle et de compétitivité.

4 – Lorsque la RSE se réduit à un simple affichage de bonnes intentions, alors, effectivement elle n’a pas de valeur ajoutée stratégique. C’est ce que j’appelle une « RSE hors sol ». Ses retombées se trouvent au mieux dans quelques actions de mécénat ou de philanthropie, au pire plaquées sur le papier glacé du rapport annuel. Ce que les entreprises doivent construire, c’est que j’appelle une « RSE opérationnelle », c’est-à-dire répondant à 4 critères :

  • articulée autour de quelques engagements forts, incarnés par les dirigeants;
  • associée à des outils de mesure et de suivi ;
  • connectée à la stratégie et au « core business » de l’entreprise ;
  • associant les salariés, le management intermédiaire, les représentants du personnel dans sa définition et son pilotage.

Dans cette approche, la RSE devient l’un des ingrédients de ce fameux « sens » dont toutes les enquêtes montrent que nos entreprises (et les salariés qui y travaillent) sont en manque… Elle constitue ainsi un puissant facteur de motivation, d’engagement, voire de fierté.

5 – De ce fait, il est impératif d’associer fortement les collaborateurs à la politique RSE. Les salariés ne sont pas seulement une partie prenante mais plutôt une partie constituante. Ils participent à l’essentiel  du processus de création de valeur et portent la majeure partie des risques de l’entreprise, et cela sur le long terme. Les actionnaires, les dirigeants, les clients, les fournisseurs, les banquiers, tout cela va et vient ; tout cela est plus ou moins fortement attaché à la pérennité de l’entreprise. Les salariés, eux, restent en moyenne plus de 7 ans dans leur entreprise. La RSE est sans doute l’amorce d’un nouveau contrat social, porteur de davantage d’engagements réciproques entre collaborateurs et entreprises.

6 – La RSE est un levier de changement lorsqu’elle est intégrée aux objectifs tout au long de la chaîne managériale. Ici comme ailleurs, le principal vecteur de diffusion (ou d’obstruction !) est le management  de proximité. Il faut donc, bien sûr, le sensibiliser, l’intéresser. Mais il faut surtout lui montrer concrètement que la RSE n’est pas l’une de ces nombreuses injonctions contradictoires poussées sans ménagement (et sans management) sur son agenda. Cela requiert une discussion approfondie sur les choix de priorité et les ressources allouées.

7 – Les dirigeants d’entreprise sont les premiers à attirer l’attention sur l’accélération des changements (technologiques, économiques, sociétaux). Comment pourraient-ils ignorer l’indispensable renouvellement du concept d’entreprise (faussement confondu avec sa personnalité juridique, la société de capitaux) et des modalités de sa gouvernance ? Sans même évoquer les avancées de la théorie managériale aux Etats-Unis (ex : Michael Porter, « Creating Shared Value », 2011), on peut rappeler, plus près de nous, la mise en lumière des idées portées par Jean-Philippe Robé, Isabelle Ferreras, Blanche Segrestin et Armand Hatchuel : une conception de l’entreprise qui resterait gouvernée par ses seuls actionnaires ne tient plus. Il faut inventer une nouvelle gouvernance, plus ouverte à l’écosystème qui fait la force des entreprises.

La RSE est un puissant levier de changement. Je me félicite de voir cette conviction partagée par les trois auteurs du rapport sur la RSE remis au Premier ministre le 13 juin 2013: « S’il est une conviction fondatrice que nous nous sommes forgée au fil de notre expérience et au cours de cette mission, c’est que les dimensions sociales, environnementales, sociétales et de gouvernance peuvent et doivent devenir un moteur stratégique pour la conduite du changement dans les organisations » (Lydia Brovelli, Xavier Drago et Éric Molinié, « Responsabilité et performance des organisations ; 20 propositions pour renforcer la démarche de responsabilité sociale des entreprises »). On ne saurait mieux dire…

Martin RICHER, consultant en Responsabilité sociale des entreprises, membre du comité de rédaction de Metis Europe

Pour aller plus loin:

Certaines de ces idées sont développées dans un article que j’avais publié dans la lettre de Metis Europe à l’occasion de la sortie du livre de Nicole Notat, fondatrice et présidente de Vigeo, sur la Responsabilité sociale : « La Responsabilité sociale est un levier de transformation ».

Lisez l’article de Valérie Landrieu (Les Echos): « Faut-il être Jupiter pour transformer ? » (PDF)

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