Les finalités de l’entreprise au prisme d’une comparaison internationale

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Pour le quotidien Libération, Martin Richer dresse le paysage contrasté de la façon dont les pays développés qui nous entourent ont su, davantage qu’en France, faire évoluer les finalités de l’entreprise pour mieux prendre en compte les intérêts collectifs. Christophe Alix a ainsi titré son article de cette formule lapidaire : « La France mise en boîte par ses voisins ». Vous pouvez accéder à cet article publié par Libération du 9 mars 2018 en cliquant ici.

Par ailleurs, dans le même quotidien, Lilian Alemagna a dressé les termes du débat, dans un article (publié le 6 mars 2018) que nous reproduisons ci-dessous.

«Des entreprises plus vertes et plus sociales dans le code civil »

Publié le 06/03/2018 (archived)

Dans la préparation du projet de loi Le Maire, le think tank «progressiste» Terra Nova milite pour une modification du code civil pour responsabiliser les entreprises. Au grand dam du Medef.

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Une pierre dans la cour de Bercy ? Alors que les équipes de Bruno Le Maire rédigent actuellement le projet de loi «plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises» (Pacte) prévu en Conseil des ministres le 18 avril et que le ministre de l’Economie et des Finances multiplie les tête-à-tête avec les organisations syndicales, le think tank «progressiste» Terra Nova presse le gouvernement de réécrire le code civil et revoir la définition de ce qu’est, en France, une «société». En tête de ses «21 propositions pour une gouvernance responsable» présentées dans un rapport de plus de 80 pages, Terra Nova suggère, dans le sillage d’une proposition de loi socialiste repoussée en janvier, de réécrire deux articles du code civil (modifiés seulement deux fois depuis… 1804). Notamment pour que les entreprises soient désormais dans l’obligation de prendre «en considération les impacts économiques, sociétaux et environnementaux de son activité».

Aujourd’hui, l’«objet» d’une société reste circonscrit au «partage» du «bénéfice» entre les actionnaires. Certes, expliquent les rédacteurs de ce rapport, «il serait erroné de croire que la vénérable rédaction du code civil est à l’origine du dogme de la suprématie actionnariale». Mais, poursuivent-ils, «une consolidation juridique est souhaitable, à la fois symboliquement vis-à-vis des citoyens pour clarifier [le fait] que la mission de l’entreprise va au-delà de la satisfaction de ses actionnaires et vis-à-vis de la communauté des investisseurs pour clarifier [le fait] que le modèle français-européen doit prendre en considération le long terme». De quoi faire hurler le Medef, qui ne veut absolument pas d’un changement législatif par peur d’une multiplication des procès intentés par des ONG sociales et environnementales.

 

Le Medef contre un changement législatif

Leur patron, Pierre Gattaz, considère ainsi qu’une telle modification du code civil ouvrirait une «boîte de Pandore» et a lancé une consultation pour modifier le code de bonne gouvernance et inciter les conseils de surveillance ou d’administration à prendre en compte «sur le long terme» les «dimensions sociale, sociétale, et environnementale des activités de l’entreprise». Une mesure… non contraignante. Mais Pierre Gattaz n’est pas le seul acteur réticent à un changement législatif : le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, responsable du projet de loi Pacte, s’était montré très réservé sur le sujet, début janvier, lors du lancement de la mission «entreprises et intérêt général» confiée à l’ex-patronne de la CFDT, Nicole Notat, et au président de Michelin, Jean-Dominique Senard, dont la remise du rapport est attendue vendredi. «Une entreprise qui n’est pas profitable, c’est une entreprise qui ne peut pas vivre, qui ne peut pas inventer», avait-il souligné avant de considérer, certes, qu’une firme «peut avoir un objectif social, un objectif de solidarité, un objectif environnemental», mais que cela devait être «laiss[é] à la faculté» de celles «qui le souhaitent».

Terra Nova pousse donc Bercy à aller plus loin dans ses intentions et à rejoindre la position de ses camarades de gouvernement, Muriel Pénicaud (Travail) et Nicolas Hulot. Devant le Medef, à la veille du One Planet Summit organisé à Paris en décembre, le ministre de l’Ecologie avait vanté une «réforme qui conduira vraisemblablement à modifier le code civil» pour «faire en sorte que les principes de [l’]économie sociale et solidaire deviennent désormais la norme et non plus l’exception». Pour l’instant, Le Maire se montre davantage intéressé par la création de «fondations d’entreprises» et de nouveaux statuts possibles pour remplir ses objectifs. Terra Nova propose par exemple la «reconnaissance de la société à objet social étendu».

Bercy préfère l’intéressement à la cogestion

Plusieurs autres demandes du think tank ne devraient pas plaire à Bercy, à commencer par la présence de davantage de salariés dans les conseils d’administration. Depuis le 1er janvier, seules les sociétés de plus de 1 000 personnes en France (ou celles en employant 5 000 dans l’Hexagone et à l’étranger) ont obligation d’ouvrir leur conseil d’administration à un ou deux représentants des salariés. Terra Nova souhaite que la mesure s’applique, en 2022, aux entreprises de «plus de 500 salariés». «Ce seuil nous rapprocherait du modèle européen», avancent les auteurs du rapport. Ils suggèrent également des mesures de «formation», de «reconnaissance» et des «élections» de ces administrateurs salariés. Terra Nova milite aussi pour «développer l’actionnariat salarié» et les accords d’intéressement. Un des rares sujets de ce rapport susceptible d’être repris par Bercy : dans sa loi, Le Maire souhaite ainsi inscrire un objectif de «100% des salariés […] couverts par un accord d’intéressement et de participation».

Lilian Alemagna

 

Pour aller plus loin :

Accédez à cet article en ligne

Accédez à une version PDF de cet article

Accédez au rapport de Terra Nova mentionné par l’article

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